Source : http://mapage.noos.fr/rassat/croyances/Terre_11.html Les empreintes « miraculeuses »A la surface des rochers qui émergent du sol, sur les tables de
recouvrement des dolmens, au flanc des menhirs ou des piliers
naturels, on remarque des creux dont les formes éveillent des
comparaisons avec celles des êtres ou des choses. Ce sont pour la plupart des jeux de nature, parfois complétés de main
d'homme; Le peuple que les empreintes naturelles étonne, et qui ignore l'origine ou le but de celles qui sont intentionnelles, a essayé de les expliquer, comme les divers phénomènes qui excitent sa curiosité, sa crainte ou son admiration, par des interventions surnaturelles, ou par des circonstances merveilleuses qui se lient à des actes accomplis par des êtres supérieurs, des saints, des héros, ou même des animaux réels ou fantastiques. Ce besoin d'explication a suggéré sous toutes les latitudes des noms ou des légendes. C'est ainsi que, pour ne parler que de l'Antiquité classique, on faisait voir sur un roc près de Tyras en Scytie l'empreinte du pied d'Hercule, longue de deux coudées, comme on montre actuellement celles de Gargantua, presque aussi démesurées. On voyait dans la grotte du centaure Chiron les dépressions laissées par le coude des dieux,
qui s'y étaient assis au banquet nuptial de Thétis et de Pelée; Dans le sud de l'Italie, les vaches d'Hercule avaient imprimé leurs traces comme sur de la cire molle dans un chemin pierreux. Les habitants du Caucase indien montrèrent à Alexandre la grotte de Prométhée et les traces de la chaîne qui tenait ce demi-dieu attaché. Les empreintes anthropomorphesLes plus nombreuses de toutes les empreintes légendaires sont anthropomorphes, et dans cette série celles de pieds humains tiennent le premier rang. Les uns commémorent le passage de personnages surnaturels ou gigantesques, d'autres témoignent des efforts qu'ils ont faits en prenant leur élan, ou ils attestent leur puissance, assez considérable pour que les rochers les plus durs s'amollissent un moment pour recevoir l'impression des diverses parties de leur corps. On rencontre assez rarement les empreintes des pieds des fées
et il en est peu qui soient accompagnées de légendes : Dans la région centrale des C.-d'A., les Margot-la-Fée ont marqué leurs pieds ou les clous de leurs sabots sur les blocs qui parsèment les collines où la tradition place leur résidence. A Soucelles, en Anjou, une fée qui s'élançait du dolmen de Pierre Cesée pour franchir le Loir y a profondément imprimé son talon. Des fées ont, en quittant le château où elles avaient résidé, gravé
leurs pieds à l'endroit où elles les posèrent pour la dernière fois. Une seule empreinte de lutin a été relevée jusqu'ici : Les géants sont représentés par des traces assez nombreuses. A Saint-Priest-la-Plaine, un pied gigantesque, chaussé d'un sabot, est appelé le Pas de Gargantua. Les traces de Samson, qui est parfois en relation avec Gargantua, se
rencontrent surtout dans l'Est. Jésus-Christ lui-même, ou la Vierge, ont laissé en plusieurs
endroits des témoignages de leurs pérégrinations légendaires. La roche où elle se tenait au sommet de Pareuses, lors d'un terrible incendie qui menaçait la ville de Pontarlier, et qu'elle éteignit par des torrents de pluie, a gardé la trace de son pied, de même que le bloc sur lequel elle se plaça quand elle défendit à la Peste, d'entrer dans la paroisse d'Ergué-Gaberic. La Vierge de la Val qui, déguisée en mendiante, avait quitté sa chapelle pour se rendre à Amions, frappa la pierre de la Croix de la Cale (près de Chassenay), où son talon (cale) est resté marqué. Deux dolmens dans le bois des Pierres-Folles à Commequiers (Vendée)
ont, le premier, l'empreinte d'un pied droit que l'on dit être celui de
Satan; Saint Martin occupe le premier rang parmi les bienheureux auxquels on
attribue des empreintes, même sans ajouter aux siennes celles des fers de sa
monture, dont il sera question plus loin. Ainsi que cela est naturel, on en a relevé beaucoup dans le pays de
Tours où il résida et où l'on vénérait son principal sanctuaire. D'autres empreintes, généralement situées dans des pays où leurs auteurs sont l'objet d'un culte, forment une sorte d'attestation de leur passage. Le Pas de saint Brice est gravé à Cléré (Indre-et-Loire) sur une
pierre couchée, celui de saint Antoine sur un grès de la forêt de
Villiers-Cotterêts; Dans une île de la Charente, une pierre transportée par sainte Madeleine a gardé l'empreinte de ses pieds, et les pantoufles de la sainte voyageuse sont marquées sur un rocher très dur, à cinq cents mètres de la rive gauche de la Vienne. Plusieurs traces commémorent l'arrivée des saints dans le pays qu'ils évangélisèrent. Lorsque saint Méen débarqua à Port-Briac-en-Cancale, l'empreinte de
son pied resta gravée sur une vaste pierre; Quelques dépressions ont été volontairement produites par des saints pour convaincre des incrédules de la véracité de leurs paroles. A Saint-Cast, le saint dont cette paroisse a pris le nom frappa fortement un rocher pour confondre le seigneur du pays qui lui demandait un miracle, et il y imprima son pied, montrant ainsi qu'il était véritablement un envoyé de Dieu. Une pierre auprès de Saint-Clément-de-la-Place (Maine-et-Loire) présente la
forme grossière d'un pied. A des miracles ou à des services rendus au pays se rattachent aussi des dépressions; lors de la construction du pont d'Etel, le diable, auquel saint Cado
avait livré un chat au lieu d'un homme, voulut démolir son
ouvrage; Les efforts violents que firent des personnages sacrés, auxquels on
attribue des sauts miraculeux, sont attestés par plusieurs
dépressions. On voit aux environs de Dinan des marques du passage de saint
Valay dans cette contrée où plusieurs lieux portent son nom. Ces empreintes ne se lient pas toujours à des bonds à travers
l'espace. Le diable a, moins souvent que les saints, laissé l'empreinte de ses
pas, et elle n'est pas toujours expliquée par une légende. Lorsque Satan, vaincu par saint Michel, s'élança du Grand-Mont sur le Petit-Mont, où il voulait construire un palais, il calcula mal son effort et vint tomber sur un roc énorme où son pas et ses cornes sont restées gravées. Au petit village d'Aragon, on montre le pied fourchu de Satan qui, étant venu tenter saint Loup, frappa violemment la pierre en voyant que ses séductions étaient impuissantes. Une excavation naturelle dans la Roche du Diable, à Ercé-en-Lamée
(Ille-et-Vil.), est la marque du talon de Satan. Quelques héros carolingiens ont aussi profondément imprimé leurs
pas; Dans le Finistère, deux empreintes sont attribuées à des personnages
historiques modernes : A Guernesey, des dépressions anthropomorphes se lient à la légende de la
course pour la délimitation d'un territoire. Suivant des récits recueillis surtout dans le Centre et dans le Midi, des jeunes filles, pour prouver leur innocence ou pour échapper à des persécuteurs, s'élancent d'une hauteur considérable, et retombent saines et sauves au bas de l'escarpement, grâce à la protection des saints, sur un rocher où, la plupart du temps, elles laissent une trace qui, pour les gens du pays, est celle de leurs pieds. Le P. Gissey, dans son Discours historique de N.-D. du Puy (1627),
parle d'une pierre que l'on voyait auprès d'une chapelle dédiée à
saint Michel « en laquelle sont gravées deux plantes de pieds, que
l'on dit ordinairement avoir esté imprimées par une pucelle, sautant du haut au
bas pour tesmoignage de son pucelage et virginité, ce qu'ayant faict par deux
fois sans se blesser, à la troisième, poussée d'un vent de vaine gloire elle se
tua ». La même mésaventure est attribuée dans une région voisine à une jeune fille
de la Bourboule qui poursuivie par un seigneur, et se voyant prête d'être
atteinte, s'élança de la Roche aux Fées, où l'on voit encore la marque de ses
pieds. Au fond de la gorge de Coiroux, on montre sur le roc vif la trace des pieds
d'une pastoure qui, pour échapper à un berger trop galant, se précipita
du haut d'un rocher qu'on appelle le Saut de la Bergère; Une légende de l'Allier explique l'origine de plusieurs empreintes de formes
différentes que l'on voit réunies sur le Rocher de la
Chèvre. Bien que les cupules et diverses autres dépressions, qui affectent une
forme à peu près ronde, semblent devoir éveiller l'idée d'un genou plutôt
que celle d'un pied, les empreintes des genoux de personnages légendaires sont
relativement peu nombreuses : Deux cavités sur le piédestal d'une croix, près de Passais (Orne), ont
été formées par les genoux de la Vierge qui s'y arrêtait pour
prier quand elle allait à la messe à Saint-Mars-d'Egrène; Sainte Brigitte de Bretagne, poursuivie par un seigneur qui en voulait
à sa vertu, s'élança du haut d'une colline en faisant le signe de la
croix, et, soutenue par son bon ange, franchit d'un saut le large vallon
au fond duquel est l'étang de Kergournadec'h. Au 18e siècle, on montrait à Dirinon les rochers où sainte Nonne avait
coutume de prier, et où l'on croyait voir l'empreinte de ses
genoux; Près du Lion d'Angers, une pierre placée devant une croix porte la
marque de genoux, d'un bâton, et de pieds de cheval; Les marques attribuées à la pression de la tête sont assez peu communes, et, à part un petit nombre, ce sont celles de personnages sacrés. L'un des trois creux du dolmen de Miré, en Anjou, a été produit par la tête de la fée qui l'apportait. Les géants qui érigèrent le menhir de Gouffern laissèrent sur l'une des ses faces la marque de leur tête et de leurs épaules. A Plerguer, le diable, dans l'effort qu'il fit pour emporter une pierre destinée à la construction du Mont Saint-Michel, y a gravé sa tête. Saint Arnoux a marqué son crâne sur le roc qu'il avait pris pour oreiller dans la grotte de Tourette-les-Venues (Provence). Le polissoir de Pierre de saint benoît ou Pierre qui pleure, non loin de Saint-James (Manche), conserve l'empreinte de la tête et des côtés du saint qui s'y coucha. Un capucin enfermé dans la grosse tour de Ham s'était tellement endurci aux privations de toute nature que la pierre, qui lui servait de chevet, céda sous le poids de sa tête, et l'on y voit gravés son visage et son oreille. On a relevé un assez grand nombre de trace de mains ou de doigts de personnages légendaires. Sur le dessus de la table de la Maison des Fées à Miré, trois creux sont les empreintes des mains de la fée qui l'a apporté pour couvrir le dolmen. La fée d'Argouges (Bayeux), en quittant ce château, avait gravé sa main au-dessus de la porte d'entrée; à Pourtoué-sur-Ayze (Hte-Savoie), une cavité sur la Pierre Morand a été produite par un coup de poing que le géant Morand donna à ce débris calcaire après l'avoir transporté sur ses épaules. Un dolmen, près de l'Ile-Bouchard (Indre-et-Loire), conserve la marque du
pouce de Gargantua; Les basques expliquent par une légende la présence d'un rocher
isolé, de vingt mètres de hauteur, sur la pente gazonnée de la montagne près de
Lacarry. Les empreintes des doigts des saints semblent en assez petit nombre et il en est quelques-unes, comme celle de la main de saint Agathon, près du bourg des Côtes-du-Nord qui porte ce nom, de la main de sainte Odile sur le rocher Hetzogand, entre Bitche et Wissembourg, dont la légende n'a pas été recueillie. Le polissoir de la Pierre aux dix doigts, à Villemaur (Aube), conserve
la trace du passage de saint Flavit qui, étant berger, se coucha contre
elle; A Louannec, saint Yves, pour parer un coup de bêche, porta la main sur la dalle d'un dolmen où on la voit encore en creux. Près de la fontaine qui se trouve sur la montagne de sainte Odile (Vosges),
on voit dans la roche trois entailles profondes dans lesquelles on peut
entrer la main par une ouverture moins large que l'intérieur; La trace des mains du diable que l'on montre en un grand nombre d'endroits est expliquée par des traditions. Dans les creux d'un bloc naturel à Plerguer, dit le Château du Diable,
on fait voir une main ouverte, la partie supérieure d'une tête et
un poing; Les griffes et le dos de Satan sont marqués sur un rocher posé
sur un autre près d'Uchon, appelé Pierre du Diable, sur lequel la mousse
ne pousse jamais. Satan, poursuivi par sainte Enimie, courait à toutes jambes dans la
gorge du Tarn, et comme la sainte ne voulait pas le laisser approcher, elle fit
une prière fervente qui eut pour résultat de faire ébouler sur le dos du
diable un énorme pan de roche. Les griffes du diable sont aussi marquées à Jerbourg sur un gros bloc de quartz blanc, et ce serait la trace qu'il laissa lorsqu'il emporta, suivant la Chronique de Normandie, le duc Richard. Des légendes explicatives s'attachent à des dépressions dans lesquelles on peut voir une sorte de moulage à peu près complet d'un homme qui s'y serait étendu. Dans le Jura bernois, près de la chapelle du Vorbourg, on montre une
excavation dans la roche qui ressemble assez à l'empreinte qu'un corps
humain aurait laissée en se couchant sur le flanc gauche. Au sommet d'un énorme bloc près d'Uchon que l'on met en mouvement avec
l'épaule, des creux figurant grossièrement un crucifix passent pour être
l'empreinte du corps d'un saint, martyrisé par les Juifs en cet
endroit. Les empreintes animalesLa plupart des empreintes animales auxquelles se rattachent une légende
ou un nom suggestif sont celles d'équidés, chevaux, mules
ou ânes, qui portent des divinités, des héros ou
des bienheureux. Les traces des montures de fées ou de géants sont
extrêmement rares : on montre à Bray (Seine-inf.), le pas du cheval de Gargantua. Les chevaux ou les ânes des saints ont au contraire laissé de fort nombreuses empreintes. Saint Martin est de tous les bienheureux celui qui fit le plus souvent
usage de montures; Une autre dépression en rapport avec l'apôtre des Gaules,
que l'on fait voir de nos jours près de Ligugé, avait une
origine qui est ainsi rapportée par un écrivain du 17e siècle
: A Vertolaye (Puy-de-Dôme), existait jadis une pierre branlante, creusée profondément à sa surface par le cheval de l'apôtre alors qu'il gravissait au galop les vallées et les torrents. Dans la Beauce, un trou, dit le Pas de Saint-Martin, qui représente à peu près la forme d'un énorme pied de cheval, a été produit par la monture qui portait le saint quand il voyageait dans le pays. A Lavault-de-Frétoy, une cavité est attribuée au
cheval de saint Martin; Lorsqu'il allait visiter l'église de Sainte-Colombe, il passa
par un bois, près d'un rocher sur lequel avait lieu une ronde
du sabbat; A Druyes, où l'on voyait plusieurs pas de saint Martin, l'un d'eux était la trace du coup de sabot que son cheval frappa pour faire jaillir une source. A Assevilliers (Somme), deux grandes cuvettes, trois rayures profondes et un
bassin naturel sur un polissoir dit Pierre de saint Martin sont l'empreinte
du derrière du cheval du saint qui se cabra lorsque son
cavalier soutenait une lutte terrible contre le diable. Les montures des autres personnages sacrés laissent, à elles toutes, moins de traces que celles du seul saint Martin. On montre à Changy, sur la roche d'où sort l'eau d'une fontaine les quatre pieds de l'âne, qui portait la Vierge et l'Enfant Jésus qui vinrent s'y désaltérer lors de leur fuite en Egypte. Saint Jouin avait l'habitude de dormir sous un ormeau près
du village de Mavaux (Aquitaine), et le diable profitait de son sommeil pour
lui voler son argent. On fait voir, près du village de l'Abbaye en Savoie, l'empreinte du faux pas que fit la mule de saint Guérin et qui entraîna la mort de ce bienheureux. En Berry, sur le rocher du Pas de la Mule, est l'empreinte laissée par
la monture du cardinal Eudes de Châteauroux qui s'y arrêta
lorsqu'il revenait de la Terre sainte avec le précieux sang; A la Sainte-Baume, des pieds de chevaux au bord du précipice témoignent du miracle qui sauva la vie à deux marchands qui y arrivaient de nuit, et y auraient trouvé la mort si la sainte n'avait retenu leur monture. On rencontre en plusieurs endroits des témoignages des pérégrinations équestre du diable. A Artos, en Dauphiné, une pierre porte le nom de Pas de la Mule du diable. Une autre empreinte du fer de cette mule se voyait sur le piédestal
de la Croix Mathon, non loin du château de Marsais. Dans la grève hantée de Trestel (C.-d'A.), on montre les pieds du cheval du diable. Ceux du cheval de feu, qui déposa Satan près du col de Nono, quand il se rendait près de saint Martin, sont marqués en rouge ineffaçable sur un rocher près de Letia. A Peyrat-la-Normière, deux dépressions au-dessus du gué du Pas de l'âne sont celles de l'âne qui portait le diable quand il traversa cette vallée. Plusieurs coursiers de héros de roman ou d'épopée
ont laissé des empreintes que montrent les gens du voisinage; Près de Céret, les habitants appellent las ferraduras del cavall de Rotlan des dépressions gigantesques sur les flancs de la montagne. A Gavarnie, le cheval du paladin marqua ses pieds sur le roc, pendant que son maître taillait la brèche qui porte son nom. Le cheval d'Arthur, ayant été attaché pendant dix-sept ans, laissa dix-sept traces de son sabot sur un rocher du bois appelé Koat toul lairon Arthur. Plusieurs empreintes du cheval de Bayard ont été relevées
dans la région du Midi : En 1794, on fit voir à Cambry sur le rivage, près de Ris, le pied du cheval de Gralon (Roi d'Is), et on le montre encore aujourd'hui. Quelques empreintes ne se rattachent plus aux pérégrinations
des héros ou des saints, mais à des épisodes légendaires
variés; Un jour qu'une comtesse de Foix visitait ses domaines, sa mule s'arrêta
en passant par un bois, sans pouvoir avancer ni reculer, et elle enfonça
un de ses pieds dans une pierre où elle imprima la figure de son fer; Des légendes très répandues racontent que des héroïnes,
saintes, grandes dames ou simples bergères, sur le point d'être
atteintes par leurs persécuteurs, se précipitent du haut
d'un rocher escarpé et arrivent saines et sauves en bas en laissant,
au lieu d'où elles s'élancèrent ou à celui où
elles tombèrent, la marque de leurs pieds ou de leurs genoux. On trouve plusieurs de ces empreintes, avec des traditions explicatives,
aux environs de Nuits et de Beaune; Une petite excavation auprès de Beuvray, à la surface du rocher
du Pas de l'âne, est l'empreinte de la monture qui portait le bienheureux
lorsque, pressé par les païens, il lui fit franchir d'un
bond la vallée de Malvaux. Lorsque saint Gildas eut ordonné à son cheval de le transporter à l'île de Houat, la bête fit un si grand effort que ses pieds se gravèrent sur le roc. Le coursier de saint Julien a aussi laissé sa trace sur un rocher d'où il prit son élan pour franchir la vallée de l'Arroux. A Millay et à Chiddes sont deux pas de la monture de saint Maurice qui, poursuivi par des malfaiteurs, fit faire à son cheval une enjambée de 1600 mètres, qui le porta sur le Mont-Theurot où l'on voit deux autres empreintes. Dans la Gironde, le cheval des quatre fils Aymon a fait plusieurs sauts
merveilleux. A Bains, on remarque sur les rochers, près du passage de Boro, les sabots du coursier d'un seigneur de Bains, Rouardaye Joue Rouge, sorte de géant qui, partant pour la croisade, franchit cet espace d'un seul élan de son cheval. D'après une légende déjà ancienne, puisque
l'abbé Régnier-Desmarais en parle dans ses poésies, un
prince de Lorraine poursuivi par ses ennemis arriva au bord du rocher qui surplombait
la route; La Roche du Mulet, à Bleurville (Vosges), est ainsi appelée parce qu'un mulet fantastique y a laissé la trace de ses sabots en la franchissant d'un bond. La roche de Jarissein à Saint-Martin s'appelle Saut de la Pucelle, parce qu'on y voit l'empreinte des quatre fers de la mule qui portait une jeune fille, et qui, d'un seul bond, s'élança du village de Chaumis sur ce rocher. c - Le mobilier et les ustensilesLes assimilations des empreintes à des choses usuelles sont très nombreuses, et l'on conçoit que leur forme souvent ronde ou ovale, qui leur a fait donner le nom d'écuelles ou de bassins, ait été très suggestives d'explications légendaires. A force de passer et de repasser sur les rochers qui effleuraient
assez fréquemment sur les routes rudimentaires de certains pays, les
charrettes ont fini par y creuser des ornières parfois aussi nettes
que des rails en creux. A Locronan, les roues de la charrette qui transportait le corps de saint Ronan sont marquées sur des rochers. Le char du diable avait creusé des ornières sur les rochers de l'île d'Arz, où des vieillards prétendaient l'avoir vu rouler au milieu d'une épouvantable lumière. Une rainure sur un rocher dans le bois de Montgommery en la lande de Goult (Manche) commémore le passage du chariot de Gargantua, alors qu'il revenait de Tombelaine après avoir jeté dans la mer cet îlot et le Grand Mont. Près de Saales, en Alsace-Lorraine, on fait voir l'empreinte de l'arche de Noé sur des blocs granitiques. Les creux à la surface des rochers, qui affectent assez souvent
une certaine régularité, ont aisément éveillé
l'idée de meubles ou d'ustensiles en rapport avec leur forme. Cependant, on trouve un Lit des Fées à Aisy-sous-Thil, dans la Côte-d'Or, et des berceaux de leurs enfants sur les blocs épars sur les collines de la partie montagneuse des C.-d'A., qui, d'après des traditions très répandues, étaient fréquentées par les Margot-la-Fée. Les lits de saints, plus nombreux, sont pour la plupart en Bretagne. Les rochers sur lesquels une dépression centrale, accompagnée
d'une sorte de dossier et de bourrelets latéraux, éveille
aisément l'idée d'un siège, se voient en beaucoup
d'endroits. Une chaise de Gargantua près de Saint-Pierre-de-Varengeville
est intéressante, parce qu'au XIIe siècle, une charte, l'attribuant
à un géant anonyme, la désignait sous le nom de Curia
gigantis; On voit aussi dans la Brie le creux que fit saint Fiacre sur un rocher où il s'assit, désolé de l'accusation de magie portée contre lui. A Saint-Idunet, un rocher s'appelle la Chaise de saint Yves. Près de l'endroit où Michel Le Nobletz se retira pendant
un an avant d'entreprendre ses prédications, se dresse au bord
de la mer, à Saint-Michel-de-Plouguerneau, un rocher immense aux flancs
escarpés où il allait méditer : Dans le nord de l'Ille-et-Vilaine, nombre de pierres à bassins
portent le nom de « Chaises du Diable ». A Hambers, on donnait le nom de Chaise au Diable à une pierre qui portait une excavation circulaire et avait fait partie d'un dolmen. A Aron, la Chaise du Diable s'était formée sous le poids du démon qui vint s'y reposer un jour qu'ayant construit un pont pour les gens du pays, on lui donna pour sa récompense un chat au lieu d'un homme. A Sardant, dans la Creuse, un amas de roches à écuelles s'appelait la Chaise du Diable. Une autre Chaise du Diable, au Mont-Foran (Côte-d'Or), inspirait une terreur superstitieuse aux bergers. Les dépressions sensiblement circulaires ont tout naturellement
provoqué l'assimilation aux nombreux ustensiles de ménages
qui affectent cette forme; Une colline au-dessus du village de Beaumont, à Saint-Yriex-des-Bois,
est couronnée par un entassement de roches naturelles nommé
Châté de las Fadas. A Quarré-les-Tombes, on montrait la chaudière et la cuve des fées sur un amas de roches granitiques. A Aisy-sous-Thil, à peu de distance du ruisseau, dans un vallon sauvage
qui porte le nom de Galaffre, l'excavation régulière d'un
rocher qui a la forme d'une véritable chaudière est appelée
la Chaudière des Fées ou le Cuvier de la Fée. A Pont-d'Aisy, une pierre à écuelle est appelée la Chaudière
de la Fée, ou Chaudière du géant Galaffre; On voit l'empreinte du poêlon d'une fée sur le dolmen de Miré, et plusieurs bassins à la surface d'un rocher dans le bois de Lavaud-du-Frétoy sont les plats du festin des fées. Les cavités de la Roche aux Fées à la Bourboule
sont attribuées à des fées bienveillantes qui protégeaient
le pays contre les incursions d'Aimerigot. Le Perron de la Louise ou de la fée, dans la Côte-d'Or,
est un énorme bloc qui porte deux trous ronds à sa partie
supérieure : A la cascade de Portefeuille où les Martes berrichonnes venaient préparer leur repas, on distingue au fond du ruisseau, arrondis et creusés dans le roc, leur chaudron, leur poêle et leurs ustensiles en pierre. La batterie de cuisine du diable est presque aussi bien fournie
que celle des bienheureux. A Piriac, on nomme Cartes du diable de larges pierres qui portent, gravées en creux sur deux rangs, des croix de formes variées. On montre à Bruz, sur un rocher à bassin, les écuelles du sorcier. Plusieurs empreintes qui, par leur régularité, éveillent facilement la comparaison avec des objets connus commémorent, en Basse-Bretagne, le souvenir d'enfants dont des personnages malheureux ou criminels avaient eu le dessein de se débarrasser. Un pauvre homme, déjà chargé de famille, étant
devenu père de trois jumeaux et ne sachant comment gagner du pain
pour tant d'enfants, les mit dans un panier, et se dirigea vers la chapelle
des Fontaines pour les noyer dans les sources qui sont auprès. On raconte à Erdeven (Morbihan) qu'une pauvre femme, ayant eu sept
enfants d'une seule couche, résolut d'en garder un et chargea
une servante d'aller noyer les autres; L'origine de dépressions qui font songer à la marque de chaînes ou de cordes est aussi expliqué par des légendes. Un lec'h (mégalithe) octogone dans le cimetière de la chapelle
de Landoujan-en-Le-Drennec est fortement entaillé depuis que saint
Urgin, ayant pris un dragon qui faisait la terreur du pays, l'y attacha; Sur un rocher, dit Huche pointue, non loin des roches Saint-Martin (Hte-Loire),
au bord d'une partie très polie, se voient trois petites croix
et deux traits plus marqués. Le rocher des Fades, près de Bourg-Lastic a été
apporté par les fées dans leurs tabliers, la nuit. d - Cultes et observancesLes empreintes merveilleuses sont l'objet d'un culte apparenté
à celui des grosses pierres naturelles et des mégalithes; En France, on la rencontre aux premiers siècles de l'ère
chrétienne; Grégoire de Tours cite plusieurs empreintes signalées à la vénération publique, et parmi elles celle d'une pierre dans la basilique de Saint-Martin de Tours, sur laquelle le saint s'était assis. A Poitiers on avait élevé l'église du Pas-Dieu à l'endroit où le pied du Sauveur était resté marqué après son apparition à sainte Radegonde, et l'un des plus anciens pèlerinage de la même région avait lieu au Pas de Saint-Martin, à Salles-en-Toulon. La Peyra del pechat del boun Diou, La Pierre du péché du bon Dieu, à Louignac-en-Limousin, qui a une dépression en forme de pied, est l'objet d'un culte immémorial. L'acte fréquent dans le culte des pierres, par lequel le croyant met
son corps en contact avec celles auxquelles il attribue de la puissance,
est aussi usité lors des visites aux empreintes réputées
miraculeuses. A Spa (Belgique), les femmes qui veulent concevoir appliquent leur chaussure dans un creux de rocher qui s'appelle Pas de Saint-Renacle. Il y a dans le pays fougerais une « Chaire au Diable » sur laquelle il suffit de s'asseoir pendant un temps déterminé, à une certaine époque de l'année, pour que celui ou celle que l'on a en vue finisse par vous aimer. On pose le pied des enfants qui tardent trop à marcher dans trois
empreintes laissées par la Vierge sur une roche à Ménéac,
dans le Morbihan; Dans le Beaujolais, on conduit les enfants lents à marcher à
un rocher à écuelles appelé Pierre de Clevis, en
Saint-Romain-de-Popey; Les nouveaux-nés qui ont une certaine veine bleue dessinée entre les sourcils, qu'on appelle Mal de Saint-Divy, sont amenés à Dirinion (Finistère) à la pierre Nonne, mère de saint Divy, a laissé l'empreinte de ses genoux, afin que le saint les préserve de la mort prématurée que ce signe annonce. A Besné (Loire-inf.), le lit de saint Secondel, fente granitique qui servait de lit à ce bienheureux solitaire, est usé par le frottement des pèlerins qui s'y couchent. Dans la Brie, les pèlerins se plaçaient sur le siège de saint Fiacre pour se débarrasser d'infirmités variées, dont la liste se trouve dans une oraison à ce saint, relevée dans un livre d'heures imprimé en 1509. En Savoie, ceux qui étaient affligés de sciatique s'asseyaient sur un petit bloc appelé la Selle de saint Bernard, placé dans une anfractuosité près de la chapelle de Saint-Clair, où ils allaient faire ensuite leurs dévotions. Les paysans s'étendent, en invoquant saint Etienne, dans une des pierres à bassin que l'on voit à Plumergat, dans le Morbihan. Les mères bercent leur enfant malade dans le creux du cheval
de saint Martin, à Vertolaye dans le Puy-de-Dôme. Une chapelle consacrée à saint Stapin, sur le haut d'une
montagne près de Dourgues (Aude), était l'objet d'un pèlerinage
qui s'adressait plus aux empreintes qu'au patron du lieu. L'efficacité de la visite aux empreintes, comme celles
faites aux pierres ou aux fontaines, dépend parfois de l'heure
du jour ou de la nuit où elle s'accomplit, ce qui est un indice de l'ancienneté
de l'usage. Pour se marier dans l'année, la jeune fille montait sur la pierre
à bassin de Saint-Etienne-en-Coglès; L'eau qui séjourne dans les bassins ou dans le creux des
empreintes est aussi efficace pour la guérison des maux que celle
des fontaines miraculeuses. L'eau de plusieurs cuvettes d'Eure-et-Loir est employée contre
la fièvre : Les montagnards du Bourbonnais vont encore se désaltérer à l'eau qui remplit l'eau des bassins, afin de se guérir de la fièvre, et aussi pour se prémunir des maléfices des sorciers. Les gens atteints de maladies de la peau viennent se baigner dans une roche en forme de berceau où se rend une petite source qui est dans le voisinage de la grotte de Saint-Arnoux (Provence). L'eau des rayures de la Pierre qui pleure à Saint-James (Manche)
guérit la fièvre, plusieurs maladies de l'enfance
et les affections des yeux; La plus grande des vingt-cinq excavations d'une roche de Plouescat (Finistère), non loin du corps de garde de Sainte-Eden, contient toujours de l'eau, qui passe pour être miraculeuse contre les douleurs et les maladies du bétail, et les pèlerins ne manquent pas d'en emporter un peu chez eux. |