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CHARFATI  ATTOUMANI

( De Chirongui)

            J’avais peur de questionner ma grand-mère à propos de son passé, alors je suis allée voir ma mère pour qu’elle me raconte le sien. J’ai commencé à poser les questions à ma mère. Elle était contente de savoir que sa fille lui posait des questions qui parlaient de son enfance. En pensant à son enfance, il y avait des souvenirs qui ressurgissaient. Je regardais son visage plein de joie. Puis ma mère m’a dit qu’elle préférait la vie de maintenant à celle d’avant. La vie d’avant était plus difficile que celle d’aujourd’hui. Avant il fallait aller à la campagne pour vivre, ce qui n’est plus le cas maintenant. La nourriture, ce n’est pas quelque chose qui manque ; avant il fallait aller cultiver pour se nourrir. Les jeunes de maintenant ont la chance de pouvoir aller acheter pour manger.

Elle m’a vraiment remerciée en me disant qu’il y avait plein de choses merveilleuses qu’elle commençait à oublier.

 

Quelle vie meniez-vous ?

            La vie avant était plus dure que maintenant.

 

Pourquoi dure ?

            Parce qu’il n’y avait pas l’électricité.

 

Qu’est-ce qui était dur ?

            Ce qui était dur c’est que le soir il faisait très noir, mais on profitait de la lune.

 

  Comment les gens se déplaçaient-ils ?

            Ils se déplaçaient à pied.

 

Pourquoi vous alliez à pied ?

            Parce que la voiture était très rare.

Y avait-il une route ?

            Oui, il y en avait mais la route n’était pas goudronnée.

 

A quelle époque ?

            Dans les années 83 et 86.

 

Quelle âge aviez-vous ?

            J’avais 10 ans.

 

Est-ce qu’il y avait des écoles ?

            Oui, mais pas beaucoup. Par contre, l’école coranique était partout.

 

Alliez-vous à l’école ?

            Quand j’étais à l’école coranique, j’avais peut-être 6 ou 7 ans, ma mère m’avait inscrite à l’école coranique. Dans un premier temps, on apprenait l’alphabet en arabe, on lisait sur un livre qu’on appelait courassa ou on recopiait ce qui était dans le livre courassa ou coran sur un morceau de bois qu’on appelait anbowy. On allait à l’école coranique de 5 h.30 du matin jusqu’à 6h 40. Le maître, le foundi, nous libérait pour aller à l’école laïque. Comme moi je n’étais pas inscrite à l’école laïque, je restais à la maison

avec ma mère. A l’école coranique, tous les vendredis étaient fériés. Les samedis et les dimanches, on allait à l’école de 5 h 30 jusqu’à 10h. Après, on allait à la campagne de notre maître ou d’une autre personne pour cultiver son champ ou récolter le riz et on amenait le riz dans des paniers tressés en feuilles de cocotiers. On rentrait à pied avec les paniers de riz sur la tête. Certains élèves apportaient des fagots.

 

Est-ce que vous alliez à la campagne tous les jours ?

            Non c’était tous les samedis et les dimanches qu’on allait au champ de notre maître. Des fois, on apportait des bananes, du manioc, de l’eau à la campagne et nous préparions un grand repas pour que la faim n’écrase pas notre ventre. Notre maître fouettait les élèves quand ils ne lisaient pas fort. Il voulait qu’on lise très fort. A l’école coranique, chacun lisait sa leçon à haute voix.

Des fois, le maître ou la maîtresse choisissait un élève pour être un gardien de la classe quand il ou elle voulait sortir. Le matin et l’après-midi, nous les filles, on balayait la cour puis on allait chercher de l’eau dans la rivière ou aux robinets. En ce temps-là, les robinets étaient rares environ deux robinets dans mon village.

L’après-midi, on commençait le cours de 15 heures jusqu’à 18 heures au moins. En général, les filles ne venaient presque pas l’après-midi car elles devaient aider leurs mères.

Si le matin on n’était pas venues et l’après-midi on venait, le maître nous fouettait. Le foundi allait chercher des lianes, l’une mince et l’autre grosse, pour nous frapper. Quand les fouets étaient usés, il allait  en chercher d’autres.

 

Est-ce que le mois du Ramadan vous veniez de bonne heure ?

            Pendant le mois de Ramadan, on venait de très bonne heure à l’école et de 14 h. à 16 h. et on sortait.

 

Est-ce qu’il y avait des chaises à l’école coranique ?

            On s’asseyait par terre ou sur un morceau de bois, le siège du foundi était un peu plus haut que le nôtre et il y avait la façon de s’asseoir : on pliait les deux jambes comme les Bouddhas quand on s’asseyait, c’était le foundi qui le commandait.

 

Qu’est-ce que vous appreniez à l’école coranique ?

            On apprenait le Coran

 

Il y avait environ combien de personnes ?

            Il y avait environ 100 personnes.

 

Est-ce que le maître était payé ?

            C’était juste à l’Ide, la fin du jeûne, chacun donnait de l’argent au foundi et ce jour-là était férié, tout le monde faisait la fête.

 

Comment vous vous habilliez ?

            Je m’habillais avec des vêtements.

 

Quels genres de vêtements ?

            Les vêtements étaient beaux.

 

Quels tissus ?

            Avec des tissus de coton.

 

Qui les fabriquait ?

            Ils venaient de l’extérieur.

 

Qu’est-ce que tu utilisais comme ustensiles pour faire la cuisine ?

            On utilisait des marmites.

 

Qu’est-ce que vous prépariez pour le dîner ?

            On préparait des embrevades avec des bananes aux cocos.

 

Qu’est-ce qu’il y avait d’autre ?

            De la viande de bœuf, des brèdes, du manioc et des feuilles de melons.

 

Qu’est-ce que vous mangiez ?

            On mangeait aussi du manioc sec, mouhougou piki.

Voici une recette de peau de vache pour deux ou  trois personnes.

Ingrédients : 1/2 peau de vache, 4 noix de cocos, 1 l. d’eau, du poivre, du sel, des oignons, du safran.

Préparation : d’abord couper la peau de vache en petits morceaux, puis la mettre dans une marmite avec de l’eau. Ensuite la faire bouillir pendant deux heures avec les feuilles de bananiers sur la peau de vache. Râper le coco et presser le tout pour obtenir le lait. Enfin, mettre le lait et la peau de vache, mélanger le sel, le poivre, couper les oignons et écraser le safran, le mettre au feu 20 minutes. Ne pas oublier d’accompagner avec du riz, je vous le conseille c’est très exquis.

 

Qui vous apprenait à cuisiner ?

            C’était ma mère.

 

Qu’est-ce que vous prépariez pendant les fêtes ?

            On préparait des gâteaux : macarara, des biscuits, bamkora ; on préparait du riz aux cocos,varian voini hou, et il y avait un plat qu’on appelait pilaho, c’est le riz mélangé avec de la viande.

 

Où est-ce que vous trouviez du riz ?

            On trouvait du riz à la campagne.

 

A quoi jouiez-vous ?

            Nous, les filles, on jouait au biwi, c’était la danse mahoraise. Et les garçons de mon village organisaient le mouringué, durant la pleine lune, c’était de se battre contre les villages voisins, et on regardait qui était fort.

 

Quels étaient les lieux ?

            Sur une place spéciale ou dans la cour.

 

Quelles étaient les musiques ?

            La musique traditionnelle.

 

Quelle était la danse ?

            La danse était le dahira, c’est une danse religieuse. On faisait un grand cercle en se tenant la main en dansant et chantant.

 

Quels étaient les jeux ?

            Les jeux étaient le lache, le police voleur et le souré souré.

 

Quelles étaient les fêtes ?

            L’Ide, c’est la fête de fin de Ramadan.

 

A quelle heure vous vous couchiez ?

            Je me couchais à 18 heures.

 

Pourquoi ?

            Parce que le soir il faisait très noir, alors là, on avait peur de sortir.

 

Quelles étaient les occupations ménagères des enfants ?

            Les occupations ménagères, c’était de balayer la cour et ranger tout ce qui était en désordre.

 

Comment était le village ?

            Le village était au milieu de la campagne.

 

Combien y avait-il de maisons ?

            Il y avait 50 maisons.

 

Combien d’habitants ?

            Il y avait 200 habitants.

 

Où se trouvait-il ?

            Il se trouvait au sud centrale de l’île, entre Tsimkoura et M’ramadoudou.

 

Où ?

            A Chirongui.

 

Comment était la fabrication de la maison ?

            Ma maison était fabriquée en terre battue.

 

Combien de pièces ?

            Il y avait deux pièces.

 

Comment était le toit ?

            Le toit était en feuilles de cocotiers tressées.

 

Y avait-il un hôpital ?

            Non, il n’y en avait pas.

 

Comment vous vous soigniez quand vous étiez malade ?

            Si on était malade, on allait trouver des personnes âgées qui nous donnaient des plantes ou des racines pour guérir, pour soigner une plaie.

 

Après, comment vous faisiez ?

            On écrasait un escargot et on l’appliquait sur la blessure.

 

Quelle était votre langue maternelle ?

            Le malgache.

 

Quand avez-vous appris le mahorais ?

            En 1988.

 

Qui vous l’a appris ?

            C’est ma mère parce que mon père était Comorien.

 

Est-ce que les gens s’aimaient ?

            Oui, les gens s’aimaient beaucoup.

 

Et pourquoi ?

            Parce qu’ils étaient pauvres.

 

Est-ce qu’il y avait des touristes qui passaient dans les villages ?

            Oui, il y en avait mais très rarement.

 

Qui était sévère dans votre famille ?

            Ma grand-mère était vraiment sévère.

 

Que faisait-elle ?

            Elle faisait des nattes.

 

Et pourquoi elle était sévère ?

            Parce qu’elle ne voulait pas qu’on aille chez elle.

 

Et pourquoi ne voulait-elle pas que vous alliez chez elle ?

            Parce qu’elle détestait ma mère, qu’elle n’avait pas envie de nous voir.

 

Est-ce que tes parents vivaient ensemble ?

            Non, mes parents ne vivaient pas ensemble.

 

Pourquoi ?

            Parce que mon père était polygame et il avait deux femmes plus ma mère, alors ma mère l’avait laissé tomber et ma mère avait quatre enfants, 3 garçons et une fille qu’elle avait faits avec mon père. Mais mon père, il avait beaucoup d’enfants. C’était fini avec mon père, et elle a trouvé un autre homme pour elle.

 

Comment était votre mère ?

            Ma mère était gentille, belle, brillante, des yeux marron, et des cheveux longs

Et comment était votre père ?

            Mon père était fort et travailleur.

 

Quel était son métier ?

            Cadi.

 

Et quel était le métier de votre mère ?

            Il n’y avait pas de travail, mais elle avait un grand champ.

 

Est-ce qu’il y avait des aides-soignants ?

            Il n’y avait qu’à Dzaouzi qu’il y avait des aides-soignants.

 

Est-ce qu’il y avait des travailleurs salariés ?

            Il y en avait mais très peu.

 

Y avait-il des magasins ?

            Il n’y en avait pas beaucoup.

 

Qui les tenait ?

            C’était des gens qui les tenaient. Ils avaient peu de choses à vendre.

 

Qu’est-ce qu’ils vendaient ?

            Des vêtements, de la viande de bœuf, des poulets, des lampes à pétrole, du riz, des œufs, du poisson, de la peau de vache, des mangues, du safran, des citrons, des oignons, du sel, du poivre, des bananes, du manioc.

 

Et pourquoi il y avait peu de choses à vendre ?

            Parce qu’il y avait peu de gens qui travaillaient.

 

Comment les gens gagnaient-ils leur vie ?

            Ils allaient à la campagne pour gagner leur vie.

 

Comment était composée ta famille ?

            Ma famille était très nombreuse.

 

Combien de personnes ?

            Dix personnes : sept garçons, dont quatre beau-frères et trois filles dont une belle sœur.

 

Pourquoi c’était si nombreux ?

            Parce que c’était l’habitude.

 

Est-ce qu’il y avait des problèmes d’immigration clandestine ?

            Non, il n’y en avait pas.

 

Pourquoi il n’y avait pas de problèmes d’immigration clandestine ?

            Parce que les Comores étaient un peu plus riches que Mayotte.

 

Que possédaient les gens ?

            Les gens ne possédaient pas de produits ménagers sauf les fonctionnaires.

 

Pourquoi ?

            Parce qu’il y avait peu d’argent.

 

Est-ce que dans votre village il y avait un chef ?

            Oui, il y avait le chef du village.

 

Comment  il s’appelait ?

            Bacar M’cole.

Est-ce que vous respectiez votre chef de village ?

            Oui, on respectait vraiment le chef.

 

Les gens étaient-ils heureux ?

            Oui, les gens étaient plus heureux que maintenant.

 

Pourquoi ?

            Parce qu’ils étaient tous ou presque égaux.

          

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Personne interviewée : Mme  MADI  BACO

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