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Le coran

par Hamza Boubakeur

La recension du Coran

Le Coran est une prédication orale. Reçu fragmentairement de l'ange Gabriel, par voie auditive, comme parole incréée de Dieu, par Muhammad elle fût communiquée oralement par celui-ci et mise par écrit, de son vivant, par des scribes bénévoles sur des omoplates, des morceaux de parchemin, des tablettes de bois, des débris de poterie. Parmi ces scribes ('Ali b. Abî Talib, 'Uthmân b. Affân, 'Ubayy b. Ka'b, Hassân b. Thâbit, Mu'awiyya b. 'Abî Sufiyân), il y a lieu de noter surtout Zayd b. Thâbit qui devait jouer ultérieurement un rôle majeur dans l'établissement définitif du texte sacré.

La tradition et les études islamiques entreprises sur la recension du Coran sont formelles sur l'ordre des versets à l'intérieur des fragments, ou sourates, de la révélation, exception faite de quelques-uns qui furent déplacés sous le règne de 'Uthmân (23-35/644-655) et dont on ne savait plus â quelle sourate et dans quel ordre les incorporer.

Rappelons seulement que, du vivant du Prophète, la plupart de ses compagnons (sahâba) savaient par coeur le texte sacré dans son intégralité. Après sa mort, un grand nombre des "porteurs du Coran en leur mémoire" (hâmilû-l-Qur'ân) furent tués au cours des sanglantes expéditions ordonnées par son successeur immédiat, le calife 'Abû Bakr, dès son accession au pouvoir (an 11/632), contre les tribus bédouines en révolte, les apostats et les faux prophètes, en particulier contre le plus dangereux de ces derniers, Musaylima, surnommé al-Kazhzâb (l'imposteur). Il fut aidé par un transfuge de l'Islâm, nommé Naharu-r-Rajjâl et par la puissante tribu des Banû Hanîfa, solidement retranchée dans les forteresses de Yamâma. Le besoin se fit sentir alors de fixer d'urgence le Coran par écrit. Le premier à s'inquiéter de cette situation et de l'avenir du texte sacré fut 'Omar B. al Khattâb, qui fit part de ses craintes à 'Abû Bakr. Celui-ci refusa tout d'abord d'entreprendre un travail auquel le Prophète lui-même n'avait pas songé. Cependant, 'Omar parvint, en insistant à plusieurs reprises, à persuader le calife de l'utilité d'un tel travail et à dissiper ses scrupules. Faisant appel, tous deux, au concours du meilleur secrétaire du Prophète, Zayd b. Thâbit, ils firent établir un premier corpus de la Vulgate de l'Islâm, sous forme d'une collection de feuillets formant un volume (mushaf).

Il contenait les versets coraniques recueillis de la bouche d'au moins deux récitateurs, honorablement connus pour leur probité intellectuelle et leur piété. Zayd qui savait lui-même le Coran par coeur, mais a qui 'Abû Bakr avait recommandé de ne pas se fier à sa seule mémoire, entreprit sa besogne en toute indépendance, n'acceptant que les versets indiscutablement établis. C'est ainsi qu'il refusa d'incorporer un verset relatif à la lapidation des adultères, rapporté par le seul 'Omar, en dépit de son autorité et de sa notoriété de musulman intransigeant, et malgré son insistance, faute d'autres récitateurs témoins.

Ce prototype fut conservé par 'Abû Bakr durant son califat et, à sa mort, il fut confié par son successeur 'Omar à Hafsa, fille de ce dernier et veuve du Prophète. Lorsqu'une multitude de textes coraniques incontrôlables et souvent farcis d'inexactitudes circulèrent dans les diverses contrées de l'Islam, le troisième calife, 'Uthmân b. 'Affân, jugea aussi nécessaire qu'urgent de mettre fin à cette anarchie qui risquait de compromettre la pureté et l'unité du dogme et de diviser les musulmans. Il emprunta à Hafsa l'exemplaire établi sous 'Abû Bakr et le remit comme document de base à une commission d'experts qu'il chargea de procéder à une recension du texte.

Cette commission très restreinte était composée de Zayd b. Thâbit, 'Abdallah b. Zubayr, Sa'd b. Al'As, 'Abdû-r-Ramhân b. Al Harith. leur connaissance en la matière et leur autorité - Zayd b. Thâbit excepté - étaient loin d'égaler celles des compagnons que le calife avait, pour des mobiles personnels, injustement écartés, en particulier 'Ali b. Abi Tâlib, Ibn 'Abbâs, 'Abdallah b. Mas'ûd et 'Abû Mûsâ-l-Ash'ari. Un autre récitateur témoin non moins réputé, qui avait servi de secrétaire au Prophète, 'Ubayy b. Ka'b, n'en faisait pas partie, étant mort deux ans auparavant.

Elle prit sa tâche à coeur et dut faire appel, en une sorte de consultation générale, à tous les musulmans dépositaires de la prédication révélée (huffâdh). Son appel fut entendu et les bonnes volontés ne manquèrent pas. Les matériaux qu'elle put ainsi réunir furent soumis à une critique externe des plus sévères. Pour qu'un verset récité fût retenu et pour qu'une lecture fût préférée à une autre, il fallait, pour en garantir l'authenticité, la concordance des témoignages, le critère de forme étant, a priori, la primauté du parler de Quraysh, langue du Prophète, sur les autres parlers arabes. Elle put, par cette méthode, compléter et réviser le corpus d'Abû Bakr et de 'Omar et procéder à une mise en ordre des sourates et des versets.

C'est dans de telles conditions qu'elle put donner un corpus intégral et définitif, connu sous le nom de Mushaf 'Uthrnân (Corpus de 'Uthmân), devenu la Vulgate officielle de l'lslâm, sunnites et shj'ites compris. Il contient aussi bien des versets abrogés (mansûkh), maintenus par un souci de probité et de fidélité, que les versets modificatifs (nâsjkh).

Ce corpus fut reproduit en plusieurs autres exemplaires qui furent envoyés dans les diverses provinces de l'Empire musulman. Les versions coraniques, incomplètes ou mal établies, furent considérées de plano comme sans valeur et déclarées nulles.

Quelques années plus tard, un des plus dévoués soutiens de la dynastie omeyyade à ses débuts, Al Hajjâj b. Yûsuf le Thaqîfit, entreprit de donner une meilleure présentation au Corpus de 'Uthmân, pour l'imposer au détriment des autres versions, par une fixation plus sûre du texte et par la réduction des variantes au minimum.

Les versions divergentes

Ce corpus officiel, qui fut imposé par le calife 'Uthmân et par la dynastie des Omeyyades issue de sa famille, ne mit pas fin cependant à l'existence de toutes les versions privées existantes. Quelques-unes purent survivre encore que quelque temps ; notamment celle de 'Ali b. 'Abî Tâlib, dont il nous a été donné, en 1964, de trouver un exemplaire à la grande mosquée de New Delhi ; celle d'Ibn Mas'ûd, à laquelle l'Irâk (la ville d'AI Basra exceptée) était attaché ; et celle de 'Ubayy b. Ka'b qui avait la préférence de la Syrie et de Basra. Mais ces versions ne différaient de celle de'Uthmân que par l'ordre et les titres des sourates, par la suppression des deux dernières (S. CXIII, et S. CXIV) dans la version d'lbn Mas'ûd, par l'addition de deux fragments analogues à la première sourate (S.I) dans la version d"Ubayy et par des variantes négligeables.

Ces variantes sont appelées qirâ'ât, terme signifiant étymologiquement "lectures". Leur valeur technique est évidente; il s'agit, non de la manière de lire le Coran, mais de différences de morphologie, de syntaxe, de nombre et d ordre des sourates, observées dans le corpus coranique primitif.

Le classement des sourates

suivant l'ordre traditionnel et suivant l'ordre chronologique

Les sourates (étym. "pan de mur, degré, étape ", cf. Lisân), dont chacune forme un fragment coranique indépendant, sont classées par ordre de longueur. Ce classement arbitraire, officiellement imposé, est différent de celui du corpus d'lbn Mas'ûd et de 'Ubayy (cf. BLAC, p .47), mais il est maintenu par la tradition. Il ne correspond ni à un enchaînement logique, ni à un quelconque souci de la chronologie de la révélation.

Les cent quatorze sourates du Coran sont réparties suivant un usage traditionnel, compte tenu des besoins de l'étude par coeur du texte sacré et des besoins de la liturgie, en sept stations (manzal, pl.manâzil), trente fractions (juz', pl.'ajzâ). Chaque sourate comprend des paragraphes ou quarts (rubû'), indiqués marginalement dans les bons manuscrits et les bonnes éditions. L'Afrique du Nord divise l'ensemble du texte en soixante sections ('hizb, pl. 'ahzâb) pour les mêmes raisons.

Le Coran comprend un ensemble de cent quatorze sourates révélées les unes à la Mekke, les autres à Médine, quelques-unes au cours d'un déplacement ou d'une expédition. Dans le corps d'une sourate, les versets n'appartiennent pas toujours à un même lieu ou à un même moment d'inspiration. Certains versets révélés à la Mekke ont été déplacés par le Prophète et inclus dans l'une ou 1'autre des sourates révélées à Médine, et inversement. Nous avons signalé, au début de la traduction de chaque sourate, le nombre et le numéro d'ordre des versets ainsi déplacés.

Les spécialistes musulmans des études coraniques ont soumis le texte sacré, comme on peut s'en douter, à un examen formel des plus serrés. Le plus illustre d'entre eux, dans cet ordre d'idées, est le polygraphe al Asyûti, plus connu sous le nom de Jamal-d-Dîn as-Suyûti (mort en 911/1505).

En se fondant sur son Kitâbu-l-Itqân (SUYK, pp. 8-35) et sur le Fihrist, d'lbn Nadîm (NADF pp.37-38), l'ordre traditionnel adopté d'après la longueur des sourates correspond, au point de vue de la chronologie de la révélation, au classement suivant:

96, 68, 73, 64, I, III, 81, 87, 92, 89, 93, 94, 103, 100, 108, 102, 107, 109, 105, 113, 114, 22, 53, 80, 97, 91, 85, 95, 106, 101, 75, 104, 77, 50, 90, 86, 54, 38, 7, 72, 36, 25, 35, 19, 20, 56, 26, 27, 28, 17, 84, 30, 29, 83, 2, 8, 3, 33, 60, 4, 99, 57, 47, 13, 55, 76, 65, 98, 59, 24, 22, 63, 58, 49, 66, 64, 61, 62, 48, 5, 9, 110.

Les spécialistes se sont penchés également sur le nombre de mots et de lettres pour en préciser le nombre. Selon divers auteurs, dont le plus sûr en la matière demeure as-Suyûti (SUYK, I, 69), le Coran comprend 6.616 mots arabes représentés par 323.671 lettres.

Les écoles de lectures coraniques

Ces différences ne mettent nullement en cause la doctrine elle-même. Elles concernent seulement le nombre et l'ordre des sourates et le détail du texte. Elles sont à l'origine de la science des lectures et de la naissance, au cours des trois premiers siècles de l'hégire, de toute une série d'écoles, dites écoles de lecture.

Il ne peut être question de résumer ici, même sous une forme succincte, le fond et l'évolution du problème tel qu'il s'est posé à la communauté musulmane à travers les siècles, ni de rappeler l'origine et l'organisation de la corporation des lecteurs, les raisons qui ont abouti à la création de cette discipline ('ilmu-l-Qirâ'ât), tributaire, comme l'exégèse et la jurisprudence, de la tradition orale, dont les chaînes de transmission ('isnâd) remontent aux compagnons du Prophète. Ce qu'il faut souligner, c'est que cette discipline apparaît avant tout comme un compromis d'inspiration conservatrice, qui a épargné à l'lslâm bon nombre de déviations dangereuses pour l'unité et la pérennité de la doctrine.

L'objet de cette science est la codification des lectures valables, établies sur un fond traditionnel. Elle s'oppose aux influences novatrices et aux spéculations intéressées. Malgré les scandales suscités par la déchéance morale de certains lecteurs, malgré les désordres et le déchaînement des passions qui agitèrent toutes les couches de la société, provoqués clandestinement ou ouvertement par les shi'ites, les khârijites et les mu'tazilites, du 1er au 11e , siècle (VII-IX s.), la stabilité doctrinale du vieil Islâm s'est affirmée et maintenue en ce qui concerne l'essentiel, grâce à l'intransigeance conservatrice des milieux religieux de Médine et de la Mckke. La popularité des lectures ('abruf) fut admise par référence au Prophète. Mais leur nombre fut limité néanmoins et les exigences pour l'option (ikhtiyâr) en faveur de telle lecture plutôt que de telle autre ne furent pas laissées à l'initiative personnelle de chacun, mais conditionnées par l'accord ('ijmâ ) des docteurs de la loi et l'authenticité de la chaîne de transmission. Ainsi furent reconnues comme valables d'abord sept, puis dix, puis quatorze et finalement sept écoles de lecture coranique.

Ecole de Médine

Fondateur Nafi', né à Médine à une date imprécise et mort dans cette ville en 169/ 785. Son principal disciple fût l'imâm Malik, et les meilleurs transmetteurs de sa lecture et de sa psalmodie furent Warsh (mort en 197/812) et lbn Qalûn (mort vers 220/ 835). Sa lecture et sa psalmodie s'implantèrent en Egypte d'où elles se répandirent en Tunisie grâce au Kairouanais lbn Khayrûn (mort en 306/ 918). De là, elles submergèrent, durant le Moyen Age, la Sicile, l'Algérie et l'Espagne. Des influences diverses (Almohades, dhâhirisme) s'opposèrent à la fixation au Maroc, où s'est implanté le système de Hamza, dérivé de l'école dc Kûfa.

Grâce à des lecteurs modernes émérites, le cheikh Mahmûd Husari et le cheikh Mustapha Ismâ'il (venus tous deux à la mosquée de Paris où ils purent donner en 1965 et en 1966 toute la mesure de leur science et de leur art de psalmodier le Coran ), cette école est appelée à maintenir ses positions et à en gagner de nouvelles a. travers le monde musulman.

Ecole de la Mekke

Fondateur lbn Kathîr, né à la Mekke où il est mort en 120/737. Elle eut comme transmetteurs Al Bazzi (né en 240/ 854) et son disciple Qunbul (mort à la Mekke en 291/903).

Ecole d'Al Basra

Fondateur Ibn-l-l 'Alâ, mort en 154/770. Ses transmetteurs furent as-Sûsi (mort en 261/874) et ad Dûri (mort en 246/ 860).

Ecole de Damas

Fondateur lbn 'Amir, mort en 118/736, dont les disciples et transmetteurs furent assez nombreux: Adh-Dhimari (mort en 145/762), lbn Zakhwân (mort en 241/856), Sulâmi, mort à Damas en 245/859. La lecture et la psalmodie de cette école sont encore en vague en Syrie.

Ecole de Kûfa

Elle se subdivisa dès ses débuts en trois écoles ayant chacune un système propre.

  • Système de 'Asim, le plus en vogue dans le monde musulman, même en Egypte, patrie de Warsh, élève du fondateur de l'école de Médine , où elle tend à s'imposer grâce à l'édition du Coran établie d'après sa lecture, réalisée au Caire. Transmetteurs: Hafs (mort en 190/ 805) et lbn 'Ayyâsh (mort en 194/809).

  • Système de Hamza (mort en 156/772) qui eut comme transmetteur Khalaf, son propagateur au Maroc.

  • Système de Kisaî'y (mort en 189/804) en vogue en Arabie orientale, en Irâk et dans divers pays du Moyen-Orient grâce à lbn Hanbal (mort en 241 / 855) qui en fut l'infatigable et intransigeant transmetteur.

L'autorité de ces sept écoles est devenue peu à peu incontestable. Des auteurs comme Dâni, Shâtibi et lbn al Jazarî reconnaissent cette primauté.

L'art de réciter et lire le Coran

La piété musulmane attache une grande importance à la récitation, sans le secours du texte (tilâwa), et à la lecture cursive (qirâ'a) du Coran. L'une et l'autre doivent être parfaites puisqu'il s'agit de paroles divines, dont il convient de respecter autant le fond que la forme. Pour parvenir à ce but, le récitant ou le lecteur doit articuler à la perfection les consonnes arabes, donner à chaque voyelle sa juste valeur, observer, à propos de chaque syllabe, de chaque mot, de chaque proposition dans le corps du verset qui est en prose rimée (saj') -, les règles d'allongement, de brièveté, de quiescence, d'emphase, d'inclinaison, d'adoucissement de la voix, de contraction, de durée de pause et de reprise qui ne sont pas laissées au hasard ou au goût de chacun. Elles font au contraire l'objet de toute une discipline connue sous le nom de tajwîd (parfaite diction du Coran), en connexion avec la grammaire et la phonétique arabes.

En tant que tel, le tajwîd doit réaliser une prononciation parfaite des voyelles et des consonnes, tenir compte des sons en fonction de leur emploi, se référer, en conséquence, aux données classiques de la langue arabe et en particulier à ce que Zamakhshari (mort en 538/1143) appelle mushtarak, ou phénomènes consonantiques (prévocaliques, communs aux noms, aux verbes et aux particules (prépositions, adverbes, etc) il a donc pour objet la formation de la voix, les règles qui régissent son émission, en donnant à chaque voyelle, à chaque consonne, à chaque diphtongue, sa pleine valeur, tant au point de vue de la pureté et du tirribre qu'au point de vue de la hauteur et de la durée. Donc, à défaut de toute graphie conventionnelle, c'est sur la structure des versets et sur les lois de la phonétique que la bonne diction s'appuie.

Le tajwîd a ses méthodes. Il a aussi ses spécialistes. Le récitateur qualifié du Coran doit non seulement savoir le texte par coeur (qâri'), mais connaître à fond les règles du tajwîd. A ce titre, il porte nom de muqri'.

Psalmodie du Coran

La parfaite récitation du Coran peut être modulée et cette modulation a donné naissance à tout un art connu sous le nom de tartil (psalmodie). Il importe d'éviter une confusion trop fréquente entre psalmodie et musique. Aussi avons-nous repris la question dans l'Encyclopédie de musique religieuse.

Si le tajwîd est la réalisation de la parfaite diction du texte sacré, la psalmodie en est la parure. Dans la piété islamique, la psalmodie du Coran occupe, comme mode d'expression de l'émotion religieuse, une place importante, tant au point de vue de l'effet qu'elle produit sur l'auditeur et sur le récitant lui même, qu'en tant que témoignage sonore de la permanence d'une tradition séculaire. Son origine et son but, sa canonicité, sa transmission à travers les siècles, son devenir parmi les peuples musulmans, ses principales lignes mélodiques et la richesse de ses arabesques soulèvent de multiples problèmes qui deviennent particulièrement complexes lorsqu'il s'agit de les poser et de tenter de les résoudre à l'intention du lecteur non musulman et non arabophone, désireux de s'informer de cette réalité.

Les auteurs musulmans d'hier et d'aujourd'hui soulignent qu'entre la psalmodie coranique et le chant profane (ghinâ'), il n'y a absolument aucun rapport. La différence ainsi établie a de sérieuses conséquences quant aux moyens de fixation et de transmission de cet héritage essentiellement vocal. Toute intervention d'une graphie conventionnelle, tout appui instrumental sont rigoureusement prohibés. On se trouve donc réduit à la seule étude de la voix.

Canonicité

La licéité de la psalmodie coranique se réfère aussi bien à la révélation islamique qu'à la tradition (sunna) du Prophète. Le texte sacré la prescrit expressément (s. LXXXIII, 4). C'est au mystère de ses rythmes, de sa modulation, de ses silences et de ses soupirs que fait allusion le verset 79,S.XVII.

C'est en entendant sa soeur psalmodier le Coran que le fougueux 'Omar, deuxième calife de l'Islâm, se convertit dès les débuts de la prédiction et devint l'un de ses plus sûrs soutiens.

La psalmodie coranique date du vivant même du Prophète. C'est des vieilles cantates du désert que ses cadences, aux dires des spécialistes, se rapprochent. Il recommandait lui-même à ses disciples : "Récitez le Coran d'après les mélodies et l'intonation des Arabes (du Nejd) et non d'après celles des débauchés, ni celles de ceux qui ont reçu l'Ecriture" (juifs et chrétiens).

La tradition nous rapporte que lorsque le Prophète recevait la révélation, il était sujet à une intense émotion. Après un moment de silence, il récitait les versets transmis par l'ange Gabriel, en s'efforçant de les reproduire comme il les avait entendus. Voulait-il en hâter le débit ? une voix intérieure le rappelait aussitôt à l'ordre (S.LXXV, 16-20).

Les traditionnistes, si attentifs aux faits, gestes et propos du Prophète, nous rapportent, d'après ses compagnons immédiats, qu'il avait un penchant particulier pour la psalmodie ; il disait : "Dieu n'a rien permis à son Prophète aussi pleinement, que la récitation modulée (taghannî) du Coran"

Lors de la conquête de la Mekke (an 9 de l'hégire/631), il jubilait sur sa monture et récitait la sourate intitulée La victoire (XLVIII), en donnant une grande ampleur aux voyelles longues : â devenait â-â-â.

Ses disciples s'efforçaient naturellement de l'imiter aussi parfaitement que possible en modulant le Coran Il disait à lbn Mas'ûd : "Récite-moi le Coran en le modulant. - Puis-je le psalmodier pour toi, disait l'autre, alors que c'est à toi qu'il a été révélé? - J'aime bien, reprenait le Prophète, l'entendre réciter par quelqu'un d'autre que moi. " A. 'Abû Mûsâ Al Ash'.arî il demanda un jour : " T'es-tu aperçu, hier, que je t'écoutais psalmodier le Coran ? Vraiment, tu possèdes une voix (aussi agréable à entendre) qu'une de ces flûtes dont se servaient les proches de David! - Ah! Si j'avais su que tu m'écoutais, répondit 'Abû' Mûsâ, ma psalmodie eût été plus belle! "

Psalmodie et graphie musicale

La psalmodie coranique, essentiellement homophonique, doit uniquement à la mémoire auditive sa transmission de génération en génération et d'un pays musulman à l'autre. On tolère à peine la psalmodie du Coran et la scansion des panégyriques du Prophète par la célèbre chanteuse égyptienne Umm Kalthûm, fille pourtant d'un récitateur apprécié du Coran.

Cette attitude ne résulte nullement d'une quelconque hostilité à l'égard de la femme, mais s'inspire uniquement de la pieuse intention d'épargner à l'auditeur toute pensée profane qu'une voix féminine captivante pourrait susciter, la psalmodie devant par son caractère solennel, ses modulation graves, créer un état d'âme, favoriser le repliement sur soi-même et faciliter l'élan du croyant vers Dieu.

Il n'y a pas de psalmodie transcrite. Les anciens ouvrages de tajwîd, les ouvrages de musicologie anciens et modernes ne contiennent aucune sourate transcrite. Lorsque, ces dernières années, le chanteur égyptien bien connu 'Abdul Wahhâb voulut se livrer à ce travail, il se heurta à la violente réaction de l'université d'Al Azhar et dut, en s'excusant, renoncer à son projet.

Quand on se penche sur l'importance du facteur religieux dans la vie musulmane, d'une part, et, d'autre part, sur l'immense production réalisée par les penseurs de l'Islam dans l'ordre de la science, de la philosophie, des lettres et des arts, on est quelque peu surpris de l'absence de toute graphie, de toute convention pouvant permettre de fixer et de maintenir à travers les siècles la manière de " psalmodier avec soin le Coran ".

Cette grave constatation est valable aussi bien pour la psalmodie coranique, le chant religieux (jadd) que pour le chant profane (hazl). Il y a eu, certes, des musicologues musulmans, mais ils n'ont pu prétendre à ce titre qu'en qualité d'historiens ou de mathématiciens, car à la lumière des ouvrages qui traitent de cet art et qui nous sont parvenus, on s'aperçoit que la musique est conçue par les auteurs musulmans comme une branche de la philosophie et de la science. Elle est réduite, en théorie, à la mélodie. Ses théoriciens, dont les plus représentatifs sont Al Kindî (mort en 248/862), Mas'udî (mort en 346/957), Al Farabî (mort en 339/951), Ibn Sinâ (Avicenne, mort en478/1085), les auteurs anonymes de l'encyclopédie des " Frères Fidèles "(V-VI s/XI-XIIs), Sâfî-d-Dîn al Baghdâdî (mort en 656/1258) et leurs successeurs, depuis Ibn Khaldûn (mort en 808/1406) jusqu'aux musicologues de l'époque contemporaine, comme Ahmed Kamel-l-l-Khoulay, en ont étudié particulièrement le côté mathématique, avec une rigoureuse application des lois de la physique, une remarquable précision des rythmes, de la métrique, une division de l'octave en dix-sept intervalles, l'exposé des cinq espèces de quarte, la distinction des modes et la curieuse théorie de la circulation qui par transport de chaque gamme des dix-sept degrés de l'échelle peut donner mille quatre cent vingt-huit combinaisons tonales. Mais ils n'ont élaboré aucun système d'écriture musicale.

Ils avaient pourtant connu et médité les systèmes de notation musicale des peuples dont ils se sont souvent inspirés dans leur effort créateur : Grecs, Byzantins, Persans, Arméniens, Indiens d'Asie, etc. Ils n'ignoraient ni Alypius, ni Pythagore, ni Platon, ni Boèce, ni les neumes des Mozarabes d'Espagne, ni les règles de notation liturgique des chrétiens orthodoxes d'Orient. Ils n'ont, cependant , ni retenu et adopté un système d'écriture musicale étrangère, ni inventé et codifié un système original.

Si de nos jours, grâce aux travaux d'orientalistes et de musicologues occidentaux de renom qui se sont penchés sur ce problème (d'Erlanger, Rouanet, Garra de Vaux, Riano, Kosegarten, Andrès, La Borde, etc.) et grâce aussi au disque, la musique arabe profane peut-être étudiée et partiellement transcrite ou enregistrée, on ne saurait en dire autant de la musique religieuse et en particulier de la psalmodie, si on excepte les enregistrements du Coran psalmodié sur disque, dus à l'initiative de l'Office des affaires culturelles islamiques de la République arabe unie, avec le concours de savants lecteurs comme le cheikh Muhammad al Husari, le cheikh Mustapha Ismâ'îl, ainsi qu'à l'initiative de certaines maisons de disques comme Cairophon qui a fait appel au cheikh Taha El Fachni, et Philips qui a mis à profit la collaboration du cheikh Abû-l-'Aynayn Shuwaysha.

La tradition ayant considéré l'assimilation de la psalmodie au chant comme une hérésie, il n'est pas étonnant de constater qu'on ne trouve aucune allusion à cet art dans les traités de musique, bien que la plupart des grands chanteurs appartiennent à des familles de lecteurs réputés.

Structure et transmission de la psalmodie

La psalmodie coranique est foncièrement monodique. Sa structure révèle des lignes mélodiques constantes et des enrichissements ou fioritures, qui varient d'un pays à l'autre et d'une génération à l'autre. Il arrive que chez le même récitant ces ornements varient d'un jour à l'autre. Ces enrichissements ou arabesques constituent l'apport personnel.

Chaque maître (cheikh) initie à son art sacré ses disciples, lesquels à leur tour initient les leurs, et ce, de siècle en siècle, jusqu'à nos jours. Mais cette transmission vocale risquait de subir les atteintes du temps, les trahisons des interprètes, d'autant plus que dès le début de l'Islam, plusieurs écoles de lecteurs du Coran se sont formées, et qu'aucune de ces écoles ne s'est préoccupée de transcrire la psalmodie du texte sacré.

Psalmodie et structure des versets

La psalmodie doit, en premier lieu, tenir compte de la valeur quantitative des éléments plus ou moins rimés que sont les versets. On peut constater à la lumière de ce qui précède que chacune des cent quatorze sourates qui forment la Vulgate islamique, comprend un nombre variable de versets de longueur inégale, allant d'un seul mot aux plus amples périodes. Ces versets appartiennent à une forme littéraire particulière à la langue arabe, le saj', ou prose rimée, qui n'est en réalité ni prose ni vers, mais tient des deux et en réunit les qualités.

Chaque verset contient une phrase, parfois moins, parfois davantage. Il peut ainsi se suffire à lui-même au point de vue du sens, ou dépendre du verset précédent ou suivant, d'où une disposition où l'assonance et la rime tiennent lieu de coupe (fâsila). Cette fâsila (séparante, virgule) est en réalité moins une césure qu'un appui rythmique qui ne coïncide pas toujours avec la fin de la phrase. Les syllabes ouvertes ou fermées qui marquent cette assonance sont fort nombreuses. Les plus fréquent sont, compte tenu de la psalmodie plutôt que des flexions : ân, în, ûn, ûm, îm, âl, âb, âs, âr, îr, ûd, hâ, etc.

Longs ou courts, amples ou concis, distants ou rapprochés, les versets se présentent, dans leur enchevêtrement, comme des quantités syllabiques dont le récitant doit observer le déploiement vocal et la durée variable des pauses qui en interrompent la succession.

Psalmodie et phonétique

Les théoriciens du tajwîd et les maîtres du tartîl se sont penchés ensuite sur le problème de la formation et de l'émission des sons, en accordant aux consonnes, aux voyelles, aux syllabes, à l'accent, aux rythmes et à la pause, ainsi qu'aux divers organes de l'appareil phonatoire (poumons, pharynx, cordes vocales assimilées à une membrane vibratoire, fosses nasales, voile du palais, luette, bouche, langue, dents, lèvres) toute l'importance scientifique requise. Ils n'ont pas manqué de conclure que la mise en jeu de ces différents organes (expiration, articulation, vibration des cordes vocales, résonance nasale) produit le son (harf) dont la tonalité et la qualité sont en connexion avec la cavité buccale.

La psalmodie doit donc tenir compte de ces phénomènes organiques, de l'écartement des mâchoires qui conditionne la forme et le volume de la cavité buccale, de la position de la langue dans la bouche et des cas de vibration des lèvres. Dans cet ordre d'idées la consonne (sâmita) est assimilée à un obstacle dans l'appareil phonatoire que le souffle expiratoire doit franchir, et la voyelle (musawwita) est assimilée à un mouvement (haraka) qui met en branle la consonne et dont l'absence conduit dans l'émission du son à une quiescence (sukûn).

L'art de psalmodier exige donc, faute de notes appropriées, la détermination et le classement des points de sortie (makhârij) du son, c'est-à-dire les points mêmes où se forment l'obstacle à franchir et le mouvement qui l'affecte, ainsi que la nature, le mode et l'intensité de l'articulation.

On trouvera un schéma de ces points d'articulation établis avec une indéniable autorité scientifique par as-Sakkâkî (mort en 626/1229) dans son traité bien connu Clef des Sciences, éd. du Caire (1317).

Rythmes

On arrive ainsi à la notion de rythme, c'est-à-dire au retour à des intervalles de durées comparables, d'impressions auditives analogues. A ce titre, le rythme sert théoriquement de support métrique à la psalmodie. Mais comme les versets n'ont aucun rapport quant à la succession des quantités syllabiques et à la mesure avec les vers, la psalmodie se réduit en général à une succession de périodes de durée inégale, destinées à marquer les mouvements de l'âme vers Dieu beaucoup plus qu'à produire un effet musical. De ce fait l'aspect modal l'emporte sur l'aspect rythmique.

Nous avons dit que la psalmodie est essentiellement monodique et diatonique : elle exclut toute succession chromatique. Si l'on devait se permettre de traduire cette réalité par des termes musicaux, on pourrait ajouter que la place des tons et des demi-tons, par rapport à la tonique, se trouve chaque fois modifiée selon le point de départ adopté, d'où sa richesse modale extraordinaire où toute notion de rythme mesurable est à exclure.

Le rythme de la psalmodie est en effet libre, il combine à son gré, tout en demeurant précis, les éléments binaires ou ternaires : temps premiers indivisibles, pratiquement égaux entre eux, se combinant librement ; temps composés inégaux se groupant en rythmes composés, en incisives, en membres, en phrases pour aboutir à une haute tenue, analogue à celle du planus cantus ou chant grégorien, et dont la tessiture comprend plus de deux octaves.

Affranchi de la mesure, le rythme de la psalmodie l'est également de l'intensité du temps fort ; il apparaît comme une ligne mélodique ondulante, légère, pouvant s'adapter aisément à toutes les floraisons vocales, en une fluidité de la phrase délivrée de toute entrave matérielle.

L'accent

L'accent est l'insistance sur une syllabe par exagération du niveau, de l'intensité, de la durée ou de tous ces éléments à la fois, par rapport aux mêmes éléments des syllabes voisines.

Il y a un accent de mot et un accent de phrase, mais aucune règle précise n'est formulée par les auteurs de traités de tajwîd. C'est un phénomène subjectif variable. Tout ce qu'on peut observer, c'est qu'en général l'insistance dans les mots porte sur la première syllabe longue à compter de la finale, les finales longues ne recevant pas d'accent. Dans la phrase l'accent doit porter sur le mot qu'on veut mettre en relief et se traduire par une exagération de la première longue à partir de sa fin. La aussi, le facteur subjectif joue un rôle dominant et l'accent se fait bien souvent sentir par une élévation du niveau dans les impératifs ou les particules d'ordre ou de prohibition.

La pause (waqf)

La fin du verset n'implique pas nécessairement une pause dans la psalmodie. Il y a une pause s'il n'y a pas de rapport évident de sens (ma'nâ), ni d'expression (lafdh) entre un verset et le suivant. Souvent, dans un même verset, la pause est indispensable quand il y a changement d'idée ou de sujet (waqf kâfî). Elle est recommandée (waqf hasan) quand il convient de mettre en valeur le sens d'un mot ou d'une expression.

Mais comment se traduit dans la psalmodie cet arrêt ? Il faut d'abord retenir que dans un verset la syllabe finale occupe une position spéciale : elle ne peut être terminée ni par une voyelle longue, ni par une consonne. Les voyelles brèves finales s'allongent dans certains cas, mais en général tombent. C'est ainsi que le n du tanwîn (an, in, un) disparaît et que la voyelle qui le précédait tombe, si elle était u ou i mais s'allonge si elle était a.

Dans la psalmodie, le lecteur est guidé par des signes conventionnels qui lui indiquent dans le texte sacré les allongements, les pauses, les liaisons et aussi les passages après la lecture desquels il doit se prosterner. Ces signes, qui sont employés assez uniformément à travers tout le monde musulman, sont en général les abréviations des mots qu'ils représentent.

La psalmodie et les voix

L'intervention de tout instrument dans la psalmodie étant interdite, la voix a été l'objet d'un examen approfondi au point de vue des nuances. Parmi les trente variétés de voix que les auteurs ont pu distinguer, certaines sont incompatibles avec la psalmodie, tandis que d'autres offrent toutes les exigences qu'elle requiert. Citons parmi ces dernières :

  1. - as-shahhy : voix pure, douce, étendue ;
  2. - mukhalkhal : voix élevée, aiguë avec douceur, sonore avec ampleur ;
  3. - 'ajass : voix haute, avec un léger voile agréable et une sonorité puissante ;
  4. - nâ'im : voix de sonorité douce et pure ;
  5. - karawâny : voix qui rappelle celle de la perdix d'Arabie, nette, pure, homogène ;
  6. - 'aghann : voix mélodieuse, douce, légèrement nasillarde ;
  7. - ratb : voix fluide, se déployant sans effort ;
  8. - 'amlas : voix équilibrée, mais peu sonore ;
  9. - mubalbal : voix légère, souple, rappelant le chant du rossignol ;
  10. - zawâ'idi : voix très ample (voix de tête) ;
  11. - daqîq : voix menue, contenue, à peine sensible.

Le récitant doit observer un certain nombre de règles pour réaliser une psalmodie harmonieuse :

  1. istirsâl : prolonger le son, sans laisser tomber la voix ;
  2. tarkhîm : adoucir le son sans perdre l'intonation ;
  3. tafkhîm : amplifier le son pour l'embellir ;
  4. taqdîr-l-l' anfâs : respirer aux pauses naturelles ;
  5. tajrîd : savoir passer des sons forts aux sons faibles et inversement.

Cet exposé eût été moins aride si la psalmodie coranique pouvait être transcrite en utilisant toutes les techniques musicales, pour mettre en relief ses lignes mélodiques dans leur pureté et découvrir les lois de composition et les nuances d'interprétation qui lui sont propres. On connaît le patient et long effort déployé par les bénédictins de Solesmes pour parvenir à la mise au point systématique du chant grégorien, pour imaginer le long travail d'équipe qu'il eût fallu fournir pour transcrire la psalmodie coranique, sans la moindre trahison. Or, la tradition de l'Islâm est intransigeante sur ce point. Le Coran étant un texte sacré, sa psalmodie ne peut être assimilée au chant profane et faire l'objet, comme le chant, d'une graphie. Elle doit, pour conserver son caractère religieux et demeurer pleinement vivante, être transmise oralement d'un cheikh à un autre et conserver à travers les générations sa valeur de témoignage précieux de ferveur et de nostalgie du divin, pieusement communiqué d'homme à homme par-delà les siècles et les contrées.