Article France-Dimanche
N°3006 / 9 au 15 avril 2004, pages 22-23

En dépit de tous ses défauts, il y en avait au moins un que le commandant Cousteau n'avait pas : ce n'était pas un converti à l'islam.

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France-Dimanche est un hebdomadaire d'actualité "people" publié par les éditions Hachette Filipachi

Durant des années, le commandant Cousteau a été la personnalité préférée des Français, devançant même l'abbé Pierre. Il incarnait à leurs yeux l'homme idéal, menant une vie exemplaire dévouée à la défense de la planète.

Mais si tout cela n'avait été qu'une façade? Si le vrai Jacques-Yves Cousteau n'avait été qu'un arriviste, prêt à tout pour recueillir les honneurs, la gloire et l'argent?

Tel est en tout cas le portrait qu'en brosse son fils Jean-Michel dans un livre de souvenirs publié chez L'Archipel : Mon père, le commandant. Pour lui, pas de doute, la vie de son illustre papa n'aurait été qu'un tissu de mensonges.

Dès le départ, la carrière de JYC aurait reposé sur la tricherie. Selon son fils, il veut alors intégrer la Marine nationale, mais sait bien que son souffle au cur risque de briser son rêve. Lors de l'examen médical, le médecin, qui s'apprête à lui faire subir un test respiratoire, doit l'interrompre. Lorsqu'il revient, le toubib, distrait, passe devant JYC et lui demande : «Vous, je vous ai examiné? Ça va?»

Et, imperturbable, Jacques-Yves aurait répondu : «Oui, oui, ça va ! »

Et, à en croire Jean-Michel, ce ne serait là que le début d'une longue liste de tromperies. Ainsi, JYC aurait su faire taire ses principes lorsque, pendant la guerre, il met au point un appareil de plongée sous-marine révolutionnaire, avec l'aide d'un ingénieur civil, Emile Gagnan. A l'époque, en dépit de propos et d'écrits qui lui vaudront plus tard d'être accusé de faire de l'antisémitisme, Cousteau s'était rangé du côté de De Gaulle. Seulement, pour expérimenter ce fameux appareil de plongée, qui fera sa fortune, il faut des laissez-passer, des autorisations.

«Qu'à cela ne tienne ! écrit Jean-Michel Cousteau. Au diable les convictions bien ancrées et les divergences. Jacques-Yves Cousteau n'hésite pas à faire appel à son frère. Fort de ses sympathies non dissimulées pour le gouvernement de Vichy et sa participation au journal collaborationniste Je suis partout, Pierre-Antoine n'a aucune difficulté à lui obtenir les laissez-passer. »

Et Jean-Michel de conclure :

«Voilà encore un trait marquant du caractère de mon père. Tous les moyens sont bons. Pour arriver à ses fins, il n'hésite devant rien. »

Égoïsme

Un autre trait du caractère de Cousteau, toujours selon son fils, serait l'égoïsme. Il aurait rarement partagé les honneurs et la gloire avec ses hommes. Une attitude qui se serait manifestée dès 1956, lors de la sortie de son premier triomphe, Le monde du silence.

«Orgueil démesuré? autosatisfaction? Non, je ne le pense pas, raconte Jean-Michel. D trouvait ce succès normal, sans plus. Mais de là à le partager... »

Cette attitude vis-à-vis de son équipage aurait choqué jusqu'à sa femme.

«À ses yeux, écrit son fils, ses collaborateurs faisaient partie de l'équipe Cousteau. Cela devait leur suffire.»

Et un jour, à sa femme qui lui demandait : «Dis-moi, tu ne penses pas que, de temps à autre, lorsque le succès d'une opération leur revient, ceux de l'équipe aimeraient sortir de l'anonymat», il aurait répondu, étonné : «Euh? Tu crois?»

Ce goût de la réussite à tout prix l'aurait entraîné à «bidonner» certains de ses tournages.

«Car contrairement à ce qu'il faisait croire, poursuit Jean-Michel, il n'hésitait pas, pour réa-liser une prise de vue spectaculaire, à la mettre en scène, quitte à organiser, lui, le défenseur des animaux, de vraies boucheries.»

La plus atroce aurait été orchestrée pour Le monde du silence. Cousteau avait assisté, un an plus tôt, à une scène épouvantable où des cachalots attaqués avaient trouvé une mort horrible. JYC voulait à tout prix inclure cette séquence dans son film. Il n'aurait pas hésité à capturer des cachalots pour les donner en pâture à des bandes de requins, attirés tout exprès sur les lieux.

Cousteauphile

Un des membres de l'équipe, André Laban, s'interroge encore aujourd'hui sur sa re-spon-sabilité : «Comment ai-je pu cautionner Le monde du silence?, se demande-t-il. Comment ai-je pu être complice, laisser faire ça sans rien dire? À croire quej 'étais une sorte de tueur à gages...»

Puis, après un courte pause, Laban conclut d'une phrase qui explique le succès du commandant : «Non, j'étais simplement un "Cousteauphile" convaincu ! »

Gérard CHAGNON