Fahrenheit 451

Fahrenheit 451, recto Fahrenheit 451, verso

"Fahrenheit 451" a été publié par Ray Bradbury en 1955 aux éditions Denoël et Agence Bradley, Paris.
Traduit de l'américain par Henri Robillot.
Exemplaire de la réédition de 1985 aux éditions Denoël, ISBN : 2-207-30008-0
451 degrés Fahrenheit est la température à laquelle le papier s'enflamme et se consume spontanément.

Qu'a donc à voir le livre "Fahrenheit 451" avec l'islam ? Rien de manière directe.
Ray bradbury n'a jamais imaginé que l'on puisse voir un quelconque point commun avec l'islam, ni même aucune allusion à cette religion, dans son livre.
Il y a cependant dans l'histoire un petit détail qu'il convient de mettre en parallèle avec la religion musulmane. Si vous n'avez pas lu "Fahrenheit 451", cela va vous gacher le plaisir d'en découvrir la fin, puisque ce détail concerne justement la fin du livre.
Dans la société de "Fahrenheit 451" les livres sont interdits car ils permettraient aux gens de réfléchir... et de se révolter contre la dictature en place. Les pompiers ont pour mission de trouver les livres, et de les bruler. Un jour le pompier Montag sauve un livre et transgresse l'interdit en le lisant. Puis il en sauve d'autres et les lit aussi. Petit à petit, il prend conscience qu'il vit dans une dictature où ce qu'il croit être la liberté n'est en fait qu'une ignorance entretenue grâce à l'interdiction des livres. Il devient alors un dangereux criminel à éliminer.
A la fin de "Fahrenheit 451", Montag, pourchassé par la police, trouve refuge auprès de « marginaux ». Or, qui donc sont ces « marginaux » ? Ce sont des gens qui ont eux aussi sauvé des livres... et qui pour ne pas être hors la loi les apprennent par coeur avant de les bruler ! L'idée même d'apprendre un livre par coeur ne viendrait à personne, du moins à personne en Occident. A quoi cela servirait-il donc ? Ce n'est que dans "Fahrenheit 451", un livre de science-fiction, que l'on trouve le concept de personnes qui apprennent des livres par coeur.
Si l'apprentissage par coeur d'un livre n'est guère, pour une personne de mentalité Occidentale, qu'une idée saugrenue n'ayant pu germer que dans l'imagination fertile d'un écrivain de science-fiction, en revanche pour une personne de mentalité musulmane l'apprentissage par coeur d'un livre, en l'occurrence un seul livre, le coran, dans les « écoles » coraniques, est parfaitement naturel car c'est la base même de la civilisation islamique.
Qu'une civilisation puisse être basée sur l'apprentissage par coeur d'un seul livre semble tellement absurde et incongru à un esprit occidental que la plupart des personnes ignorantes de ce fait le mettent spontanément en doute lorsqu'on leur apprend que c'est le cas avec le coran et la civilisation musulmane.

Extrait :

Voulez-vous vous joindre à nous, Montag ?

- Oui.

- Que pouvez-vous nous offrir?

- Rien. Je pensais avoir une partie du livre de l'Ecclésiaste et peut-être des bribes de l'Apocalypse, mais il ne m'en reste rien.

- Le livre de L'Ecclésiaste, ce serait parfait. Où était-il ?

- Ici, dit Montag en se touchant le front.

- Ah ! Granger hocha la tête en souriant et se tourna vers la pasteur :

- Possédons-nous un livre de l'Ecclésiaste ?

- Un, oui. Un certain Harris à Youngstown.

- Montag. Oranger saisit Montag à l'épaule d'une main ferme. Ne faites pas d'imprudence. Veillez à votre santé. S'il arrive quoi que ce soit à Harris, c'est vous qui serez le livre de l'Ecclésiaste. Voyez quelle importance vous venez de prendre en un instant !

- Mais je l'ai oublié !

- Non. Rien n'est tout à fait perdu. Nous avons certains moyens pour réveiller votre mémoire.

- J'ai déjà bien essayé de m'en souvenir !

- N'essayez pas. Ça vous reviendra le moment venu. Nous avons tous des mémoires photographiques, mais nous avons consacré des vies entières à garder intact ce que nous avions emmagasiné là! Simmons, que voici, a étudié le problème durant vingt ans, et maintenant nous disposons d'une méthode qui nous permet de nous souvenir pour toujours de ce que nous avons lu, ne serait-ce qu'une fois, Aimeriez-vous, un jour, Montag, lire la République de Platon ?

- Certainement.

- Je suis la République de Platon. Voudriez-vous lire Marc Aurèle ? Mr Simmons est Marc Aurèle.

- Très heureux, dit Mr Simmons.

- Bonjour, dit Montag.

- Il faut que je vous présente Jonathan Swift, l'auteur de ce pernicieux ouvrage politique : Les Voyages de Gulliver. Et cet autre est Charles Darwin, celui-ci Schopenhauer, celui-là Einstein ; celui qui est près de moi, M. Albert Schweitzer, un fort aimable philosophe, en vérité. Nous voilà tous réunis, Montag. Aristophane et le Mahatma Gandhi et Gautama Bouddha, Confucius, Thomas Love Peacock, Thomas Jefferson et Mr Lincoln, s'il vous plaît. Nous sommes également Matthieu, Marc, Luc et Jean. Is se mirent tous à rire doucement.

- C'est impossible, dit Montag.

- Mais non, répliqua Granger, souriant. Nous sommes également des brûleurs de livres. Nous lisons des livres et nous les brûlons, de peur qu'on ne les découvre. Les micro-films ne valaient rien ; nous nous déplacions constamment et ne voulions pas enterrer les films pour revenir les chercher plus tard. Nous risquions toujours d'être surpris. Le mieux. c'est de tout garder dans sa cervelle où personne n'ira chercher. Nous sommes tous constitués de morceaux, d'extraits d'histoire, de littérature, de droit international, Byron, Tom Paine, Machiavel, le Christ, tout est inscrit. Et la nuit est avancée. Et la guerre commencée. Nous sommes ici et la ville là-bas, dans son manteau fait de mille couleurs. Qu'en pensez-vous, Montag ?

- Je pense que j'étais un aveugle de vouloir agir à mon idée, cacher des livres chez les pompiers et donner l'alarme ensuite.

- Vous avez fait ce que vous deviez. A l'échelle nationale, l'opération aurait pu donner des résultats inespérés. Mais notre méthode est plus simple et, à mon avis, plus efficace. Nous n'avons qu'un but, préserver les connaissances qui nous seront précieuses un jour. Nous ne voulons exciter la fureur de personne, du moins pas encore. Car, si nous sommes éliminés, ces connaissances disparaîtront avec nous et pour de bon peut-être. Nous sommes des citoyens modèles, à notre façon. Nous suivons les voies ferrées abandonnées, nous passons la nuit dans les collines et ceux des villes nous laissent en paix. On nous arrête et on nous fouille de temps à autre, mais on ne trouve jamais sur nous le moindre indice accusateur. Notre organisation est très souple, fragmentaire. Certains d'entre nous ont eu le visage et les empreintes digitales modifiés par la chirurgie esthétique. Pour le moment notre tâche est horrible ; nous attendons le début et, le plus vite possible, la fin de la guerre. Ce n'est guère agréable, mais nous n'avons aucun levier de commande, nous constituons la minorité indésirable qui se lamente dans le désert. Quand la guerre sera finie, peut-être pourrons-nous être de quelque utilité au monde.

- Vous croyez vraiment qu'ils écouteront, alors ?

- Dans le cas contraire, il ne nous restera plus qu'à attendre. Nous transmettrons le contenu des livres à nos enfants, oralement, et nos enfants, à leur tour, apporteront leur enseignement aux autres. Beaucoup seront perdus, c'est inévitable. Mais on ne peut pas forcer les gens à écouter. Il faut qu'ils viennent à nous, chacun à son heure, se demandant ce qui s'est passé et pourquoi le monde a explosé sous leurs pieds. Ça ne pourra pas durer très longtemps.

- Combien êtes-vous en tout ?

- Des milliers, sur les routes, les voies de chemin de fer oubliées, clochards au-dehors, bibliothèques vivantes au-dedans. Rien n'était prémédité au départ. Chacun avait un livre dont il voulait se souvenir et il y est parvenu. Puis, durant une période d'une vingtaine d'années, nous nous sommes rencontrés, en voyageant, nous avons tressé les mailles du filet et élaboré un plan. La notion la plus importante que nous avons dû nous ancrer dans la cervelle, c'est que nous étions des personnages sans importance, que nous ne devions jamais devenir pédants, nous croire supérieurs à qui que ce fût. Nous ne sommes rien de plus que des couvertures de livres poussiéreuses, sans aucune autre signification. Certains d'entre nous vivent dans de petites villes. Le chapitre 1 du Walden de Thoreau à Green River, le chapitre II à Willow Farm dans le Maine. Et même il existe une ville dans le Maryland, une ville de vingt-sept habitants, aucune bombe ne touchera cette ville où sont réunis les essais complets d'un nommé Bertrand Russell. On pourrait presque tourner les pages de cette ville, habitant par habitant. Et quand la guerre sera finie, un jour viendra, une année proche ou lointaine où des livres pourront être écrits de nouveau, où nous serons tous convoqués, un par un, pour réciter ce que nous savons et nous imprimerons ces livres jusqu'à la prochaine ère sombre où tout sera à recommencer. Mais voilà ce que l'homme a de merveilleux. Il n'est jamais découragé, dégoûté au point de tout abandonner, car il connaît très bien l'importance et la grandeur de la tâche.