"La femme dans l'insconscient musulman" a été publié anonymement par peur des représailles chez Sycomore en 1981.
Nouvelle édition augmentée et refondue chez Albin Michel en 1986.
ISBN 2.226.02829.3
Extrait :
La jeune fille, son diplôme en main, va chercher un
travail, démarche somme toute logique mais qui, en
Islam, va à rencontre de la nafaqa, l'obligation faite à
tout homme de subvenir à l'entretien de son ou ses
épouses. Une femme qui gagne un salaire individuel
est en soi la négation même de la hiérarchie patriarcale;
un verset du Coran oblige les femmes à obéir, précisément parce que les hommes les prennent en charge :
Les hommes ont autorité sur les femmes...
à cause des dépenses qu'ils font
pour assurer leur entretien.
Sourate IV, « Les femmes », verset 34, trad. de Masson.
Une femme salariée, capable de se prendre économiquement en charge, est une aberration dans un système où la femme est définie comme passive et obéissante parce que économiquement dépendante. Gagner
un salaire remet en cause le contrat économique qui
fonde la hiérarchie et justifie la suprématie masculine.
L'idéal de la famille musulmane exclut la femme de
la production économique, son rôle se limitant à assurer
la reproduction de la famille, et à garantir la gratification sexuelle au croyant qui, lui, doit se battre tout
seul pour assurer la survie de sa famille. Ce qui perturbe
l'Islam, c'est la confusion des rôles et des espaces : un
homme qui reste à la maison et une femme qui vit
une partie de sa journée à l'extérieur dérangent le
système. Une femme qui gagne de l'argent et un homme
qui n'en gagne pas perturbent le schéma, d'où la portée
psychologique du chômage des hommes dans cette
période de crise économique, et peut-être l'esquisse
d'une explication du phénomène de l'intégrisme, analysé trop souvent comme un phénomène intrinsèquement « spirituel ». Le fait d'obliger les femmes à « retourner» au voile exprime la crise d'identité sexuelle
que pose une femme capable de passer les mêmes
examens que les hommes, d'obtenir les mêmes diplômes,
de vendre sa force de travail, et de la transformer en
monnaie sonnante et trébuchante. Khomeyni n'est pas
un fou, comme se plaît à le décrire la presse non
musulmane. Il fait son travail d'imam : contrôler le
comportement des femmes, pour que l'Islam idéal ne
devienne pas un fantasme délirant à force de ne plus
coller au réel dans un pays où les femmes vont avoir
de plus en plus accès au savoir. Si 70 % des femmes
adultes sont analphabètes en Iran, 48 % des fillettes
âgées de 12 à 17 ans sont inscrites dans des établissements scolaires. Dans le secondaire, les jeunes filles
constituent 35 % de l'effectif. Le modèle iranien se
retrouve un peu partout dans le monde musulman. Le
pourcentage de jeunes filles âgées de 12 à 17 ans,
inscrites dans des établissements secondaires, est de
34 % en Indonésie, 36 % en Irak, 54 % en Jordanie,
59% au Koweït, 58% au Liban, 47% en Arabie
Saoudite, 64 % en Libye.
La scolarisation des femmes sape le fondement même
de l'Islam comme stratégie démographique. La jeune
fille idéale devrait se marier à un âge précoce, et donner
des enfants à la collectivité aussitôt qu'elle est biologiquement en mesure de le faire.