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Article paru dans l'Express, 8 août 2002

Mali : combat contre l'excision

Interdite par la loi malienne, la mutilation sexuelle des filettes demeure un fléau national

« cette fois-ci, nous avons bien cru que nous allions y arriver ! » s'exclame le Dr Assétou Diakité. « Le combat continue... », ajoute-t-elle aussitôt. Cette obstétricienne originaire de Mopti exerce dans un centre de santé de Bamako. Elle est l'un des membres fondateurs de l'Association pour le progrès et la défense des droits des femmes maliennes (APDF), qui, depuis 1994, milite pour l'abandon de l'excision.
94 % des femmes maliennes âgées de 15 à 49 ans sont aujourd'hui excisées. « Nous travaillons surtout dans les régions de Ségou, Kayes, Mopd, auprès des femmes qui pratiquent l'excision, explique le Dr Diakité. Nous essayons de les convaincre de déposer le couteau en les réorientant vers d'autres activités génératrices de revenus. »
Juste avant de passer la main, le dernier gouvernement d'Alpha Oumar Konaré a adopté deux projets de loi, l'un interdisant la pratique de l'excision au sein des structures de santé publiques ou privées, l'autre instituant un programme de lutte nationale contre cette forme de mutilation sexuelle. Devant l'ire des organisations islamiques, notamment la Ligue malienne des imams et érudits pour la solidarité islamique (Limama), le gouvernement a dû faire machine arrière : le premier projet de loi a été abandonné. « L'excision est facultative dans la religion musulmane. On peut donc décider, ou non, de la pratiquer, affirme un porte-parole de la Limama. Mais, si on le fait, mieux vaut que cela se passe dans un milieu médicalisé pour, au maximum, limiter les risques de tétanos ou de contamination par le sida. »
Avec la réforme du Code de la famille, l'excision est au cœur du débat opposant partisans de la modernité et tenants de la tradition. La place de la femme dans la société - et, donc, le droit de disposer de son corps - est aujourd'hui l'objet de toutes les controverses. « Les mentalités sont en train d'évoluer. Lentement, mais elles évoluent », dit-on au ministère de la Promotion de la femme, de l'enfant et de la famille. Plutôt qu'un arsenal juridique et pénal répressif, les autorités misent sur une sensibilisation à grande échelle de la population contre les mutilations génitales sur les mineures. Ce qui n'empêchera pas les exciseuses de poursuivre leurs activités de l'autre côté des frontières, où les populations locales font appel à elles pour contourner les lois qui, désormais, interdisent presque partout cette pratique. Elles continueront aussi à accueillir les nombreux Maliens installés en France qui profitent de la période des vacances scolaires pour rentrer au pays et faire exciser leurs filles.

Christine Holzbauer, à Bamako