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«  Les inquiétants émirs du Sahel » - Article paru dans « L’Express » - 28 novembre 2002

«  Les inquiétants émirs du Sahel »
Article paru dans « L’Express » - 28 novembre 2002

Washington entend renforcer les contrôles dans toute la zone saharienne et subsaharienne.

Certains extrémistes y seraient liés à des groupes proches d'AI-Qaeda


La région du Sahel risque-t-elle, après le Maghreb, d'être à son tour utilisée comme rampe de lancement par des groupes armés intégristes pour frapper les intérêts occiden­taux ? Telle est désormais la hantise des Etats-Unis dans la gigantesque traque qu'ils mè­nent contre Al-Qaeda depuis le 11 septembre 2001. Citant un responsable du départe­ment américain de la Défense, la chaîne de radio Voice of America vient ainsi d'affirmer que quatre pays de la région, le Tchad, le Niger, le Mali et la Mauritanie, étaient plus par­ticulièrement exposés à des « pénétrations terroristes » en raison de leurs frontières com­munes avec des Etats comme l'Algérie, la Libye ou le Sou­dan. Auparavant, la même ra­dio, citant des sources de ren­seignement, avait révélé la présence d'un mystérieux groupe armé identifié seule­ment par les initiales - MBM -du nom de son chef, Mokhtar Belmokhtar. Cet Algérien, qui serait directement lié au ré­seau terroriste d'Oussama ben Laden, écume le désert entre le Sud algérien, le nord du Mali et une partie de la Mau­ritanie. Belmokhtar, plus connu sous le nom de « Be-laouer » (le Borgne) à cause d'une cicatrice à l'œil, a com­battu en Afghanistan. Accusé de trafic d'armes pour le compte de différents groupes islamistes, il est depuis plus d'un an dans le collimateur de l'armée algérienne. Notam­ment à cause de ses relations avec le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), de Hassan Hattab, considéré comme proche d'Oussama ben Laden.

Au Mali, l'un des cinq pays les plus pauvres de la planète, qui pratique à 90 % la religion musulmane, le danger d'une contagion islamiste est mini­misé par les autorités. Ce qui ne les a pas empêchées de pro­céder, deux mois après les at­tentats du 11 septembre, à l'ar­restation d'une dizaine de prêcheurs « pakistanais » dont certains détenaient des faux papiers. L'armée malienne se serait livrée à une opération militaire « au moins » contre les membres terroristes pré­sumés du MBM. Cette opé­ration n'a pas permis d'effec­tuer des arrestations ni de démanteler le groupe, mais un « message très clair » aurait ainsi été adressé à Belmokh­tar pour lui indiquer que la traque se poursuivait de l'autre côté de la frontière. Echaudées par ce qu'elles considè­rent comme du « laxisme » de la part des autorités maliennes, des sources algériennes dé­noncent, pour leur part, le no man's land qui s'est instauré à certains endroits de la fron­tière entre les deux pays. La localité d'El-Khalil, située à 140 kilomètres au nord de Tessalit, serait ainsi devenue, se­lon un observateur algérien, une véritable « zone franche » ouverte à toutes sortes de tra­fics d'armes, de véhicules vo­lés ou de clandestins candidats à l'émigration vers l'Europe du fait de l'absence de l'armée malienne.

Ancien fief de la rébellion touareg au Mali, l'Adrar des Iforas, qui déborde sur l'Al­gérie, constituerait un repaire idéal pour les terroristes, tou­jours selon les mêmes sources. La ville de Kidal serait ainsi devenue un haut lieu du pro­sélytisme des « barbus » de la secte Dawa, soupçonnés de préparer le lit d'un islam plus radical, ce que contestent ses habitants. « Certes, nous ou­vrons nos émissions tous les jours avec la lecture du Coran. Mais cela ne signifie pas que nous succombions aux sirènes de l'intégrisme religieux », s'in­surge Moussa Ag Itjimit, pré­sentateur à la radio locale Tizias. Désertée par la plupart des ONG travaillant dans le développement en milieu no­made, en raison de nombreux incidents ayant accru le senti­ment d'insécurité, la ville de Kidal essaie aujourd'hui de lutter contre sa mauvaise image. A Abeibara, situé à une centaine de kilomètres de Ki­dal, les militaires en poste, parmi lesquels de nombreux méharistes, confirment que le calme règne dans la région, notamment depuis qu'Ibrahim Bahanga, ex-chef rebelle touareg, auteur de plusieurs attaques après la « fin offi­cielle » de la rébellion, a ac­cepté de déposer les armes, il y a un an. Entre-temps, le Mali et le Niger ont dû affirmer leur volonté de combattre l'insé­curité qui sévit sur leur fron­tière commune et qui aurait fait 13 morts au cours des quatre premiers mois de l'an­née « à la suite de razzias et d'enlèvements de personnes par des bandes armées se dé­plaçant à dos de chameau », selon un communiqué officiel.

Dans un entretien à la télé­vision d'Etat, le Premier mi­nistre nigérien, Hama Ama­dou, avait déclaré que la frontière avec le Mali « reste la plus affectée » par ce type de banditisme. A Agadez, autre haut heu de la rébellion touareg, mais au Niger, cette fois-ci, le haut-commissaire, Hassane Maïga, est encore plus catégorique ; « De nom­breux prédicateurs étrangers ont essayé de s'implanter chez nous. Nous les remercions sitôt leur arrivée et les raccompa­gnons sans délai à la frontière. J'en ai moi-même raccom­pagné une vingtaine depuis que j'ai pris mes fonctions », explique-t-il.

Craignant que cette région ne se transforme en un nou­veau sanctuaire pouvant servir de base arrière à des fugitifs d'Al-Qaeda, le Pentagone a décidé d'aider les gouverne­ments des Etats concernés à renforcer les contrôles à leurs frontières et à coopérer entre eux. Les discussions sont en cours pour savoir si un dispo­sitif en hommes et matériel semblable à celui qui est actuellement déployé dans la Corne de l'Afrique peut être également prévu pour l'Afrique de l'Ouest. Mais, d'ores et déjà, l'Algérie, en proie depuis de nombreuses années aux attaques du GIA et d'autres groupes armés dis­sidents, dont le GSPC de Hassan Hattab, est appelée à constituer l'une des « chevilles ouvrières » de ce processus de surveillance régionale. Un do­cument salafiste aurait été trouvé dans les bagages de Mohamed Atta, le chef du commando du premier avion qui s'est écrasé contre le Worid Trade Center, accré­ditant la thèse d'une collusion entre la nébuleuse de Hassan Hattab et celle d'Al-Qaeda. L'indigence des Etats et la porosité des frontières impli­quent, toutefois, une action à long terme dans ces régions reculées du Sahara, le plus souvent sinistrées par la sé­cheresse et les conflits, et dont les populations, en majorité nomades, manquent cruelle­ment d'écoles, de centres de santé ou de points d'eau. Wa­shington semble avoir com­pris l'urgence de la situation, puisqu'il a débloqué de nom­breux programmes d'aide. Ainsi l'USAID, l'agence amé­ricaine de coopération et d'aide au développement, vient-elle de signer quatre protocoles d'un montant re­cord de 250 milliards de francs CFA (380 000 ?) avec le Mali. « C'est la pauvreté qui fait le lit du terrorisme », recon­naissait récemment le prési­dent de la Banque mondiale. C'est apparemment le cas au­jourd'hui en Afrique.

Christine Holzbauer