Adolescente et musulmane :
entre tradition et intégration
Pour la jeune musulmane, il n'est pas facile
de vivre sa vie. Prise entre étouffement et désir
de liberté, elle s'en remet aux apparences...
Mon film traite de l'affrontement entre tradition et intégration,
entre autorité d'un monde
d'hommes et désir farouche pour
les jeunes filles de s'affirmer».
explique Paule ZaJdermann,
auteur d'un documentaire diffusé
vendredi, à 22.20, sur Arte. «"Tu
vas prendre des ailes, ma fille"
n'est pas un traité de psychologie
ou de sociologie des quartiers
populaires. Encore moins un
discours compassionnel à propos
des jeunes filles opprimées. Il
s'agit simplement d'une tentative
de rendre compte d'une
rencontre émouvante avec
quelques adolescentes tiraillées
entre deux cultures et de mettre
en avant des demoiselles à qui on
demande généralement de se
taire."
Le reportage évoque une tranche
des vies d'Aïchouch. Khalissa,
Saïda et Nathalie, des filles en
apparence conformes aux injonc
tions familiales, qui se transforment, à l'extérieur, en pétroleuses
rebelles au verbe haut et à l'attitude provocante. Jouant les
affranchies et collectionnant au
lycée punitions, blâmes et avis
d'exclusion...
La plupart du temps, les parents
désirent que leur fille se conforme
au modèle de la «parfaite musulmane». «la fille bien». Il s'agit
d'un modèle traditionnel valorisé
par les familles. «Il vaut toujours mieux être bien vue», explique
Karima Jeune adolescente de 16
ans qui vit en Belgique. «Mes
parents souhaitent que j'aie une
"bonne réputation". Car si la
fille n'est pas bien, alors cela
signifie que les parents ne sont
pas bien non plus. Les hommes
marocains vont à la mosquée
pour prier, bien entendu, mais
aussi pour se tenir au courant de
l'actualité du quartier, surveiller
les enfants, surtout les filles !»
Dans les structures de type
communautaire comme les quar
tiers à forte population musulmane, le contrôle de conduite des
jeunes filles est, en général,
renforcé. «Je peux sortir de chez
moi sans demander l'autorisation,
mais je n'ai pas intérêt à rentrer
après 17 heures, poursuit Karima.
Avec des copines, on va de temps
en temps boire un verre dans un
café éloigné de notre quartier. On
brosse parfois les cours pour y
aller. Si mes parents l'apprenaient...»
Aux yeux des parents et du groupe, la vertu se mesure aussi par la
façon de s'habiller et de s'exprimer. «On ne peut pas porter de
minijupe ou arborer un décolleté.
C'est la tenue des filles perdues.
On ne peut pas non plus parler de
n'importe quoi, surtout devant
des personnes plus âgées», ajoute
la jeune fille. «Quand on se
retrouve loin des yeux et des
oreilles de notre entourage, alors, on se lâche un
peu, parfois
trop...»
Le choix du petit copain est
également dirigé : «II n'est pas
question que je présente un Belge
à mes parents», précise Karima.
«Je sors donc avec des Marocains,
mais ils ne proviennent généralement pas du quartier. Épouser un
non-musulman, ce serait insulter
la famille et la communauté. De
toute façon, mon père me tuerait
avant !»
La famille, on l'aura compris,
exerce une influence prépondérante sur les choix que peut ou
non poser la jeune fille musulmane. Elle a le pouvoir de favoriser
ou de brimer l'autonomie. Les désirs des jeunes sont donc généralement liés à l'assentiment de
leurs parents- Certaines adolescentes se soumettent pour éviter
les conflits pendant que d'autres
développent des stratégies pour
braver des interdits. Dans ces
conditions, pas facile pour les
jeunes issus de familles tradition
nelles de s'épanouir, en équilibre
sur le fil de deux cultures.
Marie GRIFNEE
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