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OCI:
45 ans après l'abolition du califat, l'Organisation de la
conférence islamique est née. L'originalité de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), c'est d'être une institution ayant à la fois un caractère politique et une. dimension religieuse. Politique, l'OCI l'est, bien évidemment, puisqu'elle réunit des Etats représentés en son sein par ses plus hauts responsables (rois, présidents, ministres des Affaires étrangères, etc.) Mais cette organisation est aussi religieuse puisque le lien fondamental qui unit ses membres n'est autre que leur foi en Dieu, en la révélation coranique, et leur appartenance à la communauté musulmane. Dans les pays occidentaux, plus ou moins laïcisés, on a de la peine à concevoir-et parfois à comprendre - ce double caractère d'une organisation internationale. Il convient pourtant de se souvenir que, durant de longs siècles, l'Europe chrétienne a connu des expériences analogues. Et de nos jours encore, en de nombreux pays occidentaux, la religion demeure très liée à la vie nationale et aux institutions gouvernementales. Cela dit, en cette fin du XXe siècle, l'Organisation de la conférence islamique constitue, de par sa dimension et son rôle sur la scène internationale, un cas assez exceptionnel, qui témoigne à la fois de la vitalité de l'islam et de sa spécificité dans le monde contemporain. Comme le précise une de ses récentes publications, l'Organisation de la conférence islamique «est, par vocation internationale, intercontinentale, et par certains côtés, universelle». Elle adhère entièrement à la Charte de l'ONU, avec laquelle elle entretient d'étroites et constantes relations. Parmi ses observateurs se trouvent des représentants de la Ligue des Etats arabes, de l'Organisation de l'unité africaine, de l'Unesco, du Haut Commissariat pour les réfugiés, etc. L'OCI est née il y a moins de deux décennies, d'un événement d'une extrême gravité : (...) [page 2 manquante] (...) siège à Djeddah (Arabie Saoudite). Elle comporte trois organes de décision : le sommet des chefs d'Etat islamiques, la conférence des ministres des Affaires étrangères, le secrétariat général. Les sessions ordinaires de l'Organisation ont lieu annuellement, dans diverses capitales du monde musulman. Des commissions permanentes et des institutions spécifiques sont nées au sein de l'OCI. Citons, parmi les plus importantes : le Comité Al-Qods (Jérusalem), présidé par le roi Hassan II du Maroc ; l'Organisation islamique pour l'éducation, les sciences et la culture (ISESCO), dont le siège est à Rabat ; la Banque islamique pour le développement, installée à Djeddah ; le Fonds de solidarité islamique ; l'Alliance islamique internationale d'information ; l'Organisation des radiodiffusions des Etats islamiques La Voix de l'islam, installée à La Mecque ; le Centre de statistiques et d'études économiques (Ankara) ; le Centre d'art et d'études de la civilisation islamique (Istamboul) ; le Centre de formation technique et professionnelle (Dacca, Bengladesh), etc. Instance suprême de l'OCI, le sommet des chefs d'Etat se tient pour la première fois à Rabat, en septembre 1969. Il se réunit ensuite à Lahore (Pakistan), en février 1974, quelques mois après la guerre israélo-arabe d'octobre 1973. Le troisième sommet se tient à Taef, en Arabie Saoudite, en janvier 1981, et c'est à cette occasion qu'est élaborée et publiée l'importante Déclaration de La Mecque, où on lit notamment : «L'appartenance sincère des musulmans à l'islam et leur attachement indéfectible à ses principes et ses valeurs - en tant que mode de vie - constituent pour eux un bouclier contre les dangers qui les entourent, un facteur de dignité et de prospérité, un instrument adéquat pour l'organisation de leur avenir et un garant de l'authenticité de l'Oumma. (3). la préservant de l'emprise de la vie matérielle, la stimulant de manière à motiver ses dirigeants et à sensibiliser ses enfants, pour la libération de ses Lieux saints, la récupération de ses droits et de son rang, afin de contribuer, avec les autres nations du monde, à l'instauration de la paix et de la prospérité pour toute l'humanité.» La Déclaration de La Mecque affirme ensuite : «Nous relevons avec regret l'état actuel auquel l'humanité est réduite. En dépit de tous les signes de progrès matériels, et des acquis scientifiques et techniques, elles est restée caractérisée par un vide spirituel, le relâchement des croyances et des valeurs morales. lien est résulté la généralisation de l'injustice sociale, l'accentuation des crises économiques et l'instabilité politique (...) Nous considérons que notre Oumma dispose de ses propres moyens pour renforcer sa solidarité et promouvoir son progrès. Elle trouve dans le coran et la Tradition du Prophète des règles de vie parfaite qui la guident vers la justice, le bien et le salut.» Après ce préambule, la Déclaration du sommet islamique de 1981 précise la position de l'OCI sur des questions d'actualité particulièrement importantes. Elle exprime «/e soutien du monde musulman, dans son ensemble, aux résolutions de l'ONÙ affirmant le droit du peuple palestinien à l'autodétermination et condamnant l'annexion de Jérusalem par l'Etat d'Israël». Elle apporte «son appui au peuple afghan, dans sa lutte pour sa liberté et la préservation de ses valeurs islamiques». Elle manifeste sa «grave inquiétude face aux rivalités grandissantes entre les deux superpuissances, dans leur course pour étendre leurs zones d'influence et leur présence militaire dans les régions voisines et limitrophes des pays du monde musulman, telles que l'océan Indien, la mer d'Oman, la mer Rouge et le Golfe» ; elle lance aussi un appel à tous les Etats qui comptent des minorités islamiques, en leur demandant de «permettre à celles-ci d'exercer en toute liberté leur culte et de jouir pleinement de leurs droits civiques, sous la protection de la loi». Enfin, d'une façon générale, l'Appel de La Mecque exhorte «tous les Etats et tous les peuples à instaurer dans le monde un climat de bonne volonté et de coopération propice à la paix et qui permette de mettre fin aux conflits et aux guerres, en réglant les différends par des voies pacifiques». Le texte de la déclaration rappelle à ce propos la volonté de l'OCI «d'appuyer l'Organisation des Nations unies et les autres institutions internationales qui représentent un cadre privilégié pour la coopération entre les hommes, le dialogue et la compréhension mutuelle». Depuis la publication de cette Déclaration, un quatrième sommet islamique s'est tenu en janvier 1984, à Casablanca. Mais, ces dernières années, de nouveaux et graves événements se sont produits au Proche-Orient : aggression israélienne au Liban en 1982 ; conflits et drames vécus par ce pays ; aggravation de la situation dans les territoires palestiniens occupés par Israël ; guerre entre l'Irak et l'Iran. Durant toute la durée de son mandat, de 1979 à 1984, le secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique, Habib al-Chatty, déploie une activité intense pour trouver des solutions à ces conflits. S'étant vu décerner, lors de la 15e conférence des ministres des Affaires étrangères, à Sana'a, en décembre 1984, le titre de secrétaire général permanent honoraire de l'OCI, Habib al-Chatty, depuis lors comme successeur, au sein de cette organisation, Charifuddin Pirzada, ancien ministre de la Justice du Pakistan. Parmi les nombreux dossiers politiques que celui-ci présente aux chefs d'Etat réunis à Koweït, le 26 janvier dernier, pour le cinquième sommet islamique, deux questions demeurent et revêtent aujourd'hui une importance majeure : la situation dans les territoires palestiniens occupés et ses conséquences dans toute la région, en particulier au Liban ; le conflit entre l'Irak et l'Iran. Aujourd'hui, quelques semaines après la tenue du sommet de Koweït, on ne sait pas encore si les résolutions de celui-ci permettront d'apporter de nouveaux éléments de solution à l'un et l'autre de ces drames. On sait que déjà,»lors de la conférence de Sana'a, en décembre 1984, l'OCI avait demandé «un arrêt immédiat de la guerre entre l'Irak et l'Iran, en vue de rechercher un règlement honorable sur la base des résolutions adoptés par le Conseil de sécurité de l'ONU». Habib al-Chatty avait exprimé l'espoir d'une solution pacifique et, de nouveau, invité les belligérants à un cessez-le-feu et à des pourparlers, dans le respect des droits de chacun. Le représentant de l'Iran, Ali Akbar Velayati, avait alors réaffirmé la thèse iranienne, en précisant qu' «il n'y aurait ni dialogue, ni paix, avec l'actuel régime irakien». Il avait admis, néanmoins, que «la résolution adoptée par la conférence constituait un progrès et était plus impartiale que les textes précédents». Comme le note Paul Balta, «/es membres de l'OCI espéraient alors que les deux pays allaient s'orienter vers une cessation de fait des hostilités». Depuis cette date, des progrès ont-ils été réalisés ? Il faut malheureusement répondre négativement à cette question, la guerre du Golfe continuant à faire de très nombreuses victimes et constituant une source de grave inquiétude, non seulement pour cette région du monde, mais pour l'ensemble des relations internationales. Comment ne pas souhaiter que, dans les mois qui suivent, l'OCI parvienne à rétablir la paix et une féconde coopération entre ces deux pays musulmans, conformément aux enseignements du coran : «Si deux groupes de croyants se combattent, rétablissez la paix entre eux. Les croyants sont frères. Etablissez la paix entre les frères (4) ; "0 croyants, ne vous moquez pas les uns des autres. Ne vous lancez pas de paroles injurieuses. Le mot pervers est détestable entre les croyants" (5) ; "Dieu a établi la concorde en vos curs. Par Sa Grâce, vous êtes devenus frères..." (6).» L'OCI peut apporter, dans ce domaine, une contribution décisive. De plus en plus, on se rend compte qu'il n'y aura pas de pays durable et véritable au Proche-Orient, tant que n'aura pas été reconnu le droit du peuple palestinien à une patrie et à un Etat. Les Etats-Unis ne cessent d'apporter un soutien politique, économique et militaire à l'Etat d'Israël, au lieu d'appuyer ceux qui, dans le monde entier - y compris dans cet Etat, et au sein même de la Knesset - luttent pour que soient enfin reconnus, dans les territoires palestiniens occupés, les droits de l'homme et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Au sein de l'ONU, ainsi qu'auprès de l'OUA et de la Communauté européenne, l'OCI a depuis toujours exercé, et doit continuer à exercer une action déterminante. Celle-ci est d'autant plus importante que les pays occidentaux manifestent, trop souvent, une excessive complaisance envers l'Etat d'Israël, alors même que celui-ci viole les résolutions du Conseil de sécurité, comme c'est le cas, par exemple, en ce qui concerne le statut de Jérusalem ou la mission de la Finul au Liban. Enfin, en tant qu'organisation religieuse, l'OCI a été amenée à établir des relations avec l'Eglise catholique et avec le Conseil cuménique des Eglises. Le 7 avril 1981, Habib al-Chatty qui était alors son secrétaire général, a été reçu au Vatican, par le pape Jean-Paul II. En sortant de cette audience, il précisa que «l'entretien avait porté avant tout sur la nécessité d'établir un dialogue entre les communautés musulmane et chrétienne». Il ajouta-que la conversation avait porté également sur les questions de la Palestine, de Jérusalem et du Liban (7). A cette occasion Habib al-Chatty a rendu un vibrant hommage au pape qui, affirma-t-il, «est tenu en haute estime dans les pays musulmans». Et d'ajouter : «Je sors de cette audience convaincu que le pape partage nos sentiments. Nous avons des points de vue identiques sur certaines questions, des points de vue parallèles sur d'autres, mais sur aucune question nous n'avons des points de vue opposés.» Dans les années qui ont suivi, d'autres rencontres ont eu lieu, entre le secrétaire général de l'OCI et le Saint-Père. Comment ne pas souhaiter que s'intensifient et s'approfondissent ces relations, entre les représentants de l'islam et ceux des autres grandes familles spirituelles. MICHEL LELONG
(4) coran, Sourate 49, versets 9 et 10. (5) coran, Sourate 49, verset 11. |