Le coran et l'islam, Etude historique et géo-politique > Communauté
Religion,
communauté et politique
LEuropéen qui ne parvient pas à comprendre les principes qui régissent loumma (ou « omma ») ne peut pas comprendre la mentalité musulmane et ne peut, de ce fait, en contrecarrer les effets.
En effet, si, dans les pays musulmans, lislam se confond avec lEtat (39), la société musulmane elle-même possède du moins en apparence les caractères dune théocratie laïque. Le Khalife qui peut être le roi dun pays musulman, comme au Maroc est le successeur du prophète et, en tant que tel, cest lui et personne dautre qui détient le pouvoir exécutif. Il le tient « de dieu » comme les anciens monarques « de droit divin » qui régnèrent sur lEurope. Mais si les Européens sont parvenus à abolir cette forme de pouvoir dans le courant du XIXe siècle, le monde islamique y est demeuré profondément attaché. Le khalîfe est le délégué de dieu sur terre, il parle en son nom et dirige en son nom. Et il nest pas question, pour un « croyant », de remettre ce dogme en question.
Entre lEurope démocratique et laïque, dune part, et le monde musulman imprégné de cette vision théocratique du monde, dautre part, le fossé sest agrandi dannées en années et il est quasiment impossible de le combler. LEuropéen ne vit plus, depuis belle lurette, sous la férule dune loi intangible et irrévocable qui aurait été dictée par un être suprême, invisible et inconnaissable. Une loi qui vaut tant pour le spirituel que pour le séculier. Le musulman, lui, accepte toujours cette façon de voir les choses. Et il nest que très rarement disposé à se remettre en question. Pour quun musulman accepte de « discuter » ou de reconsidérer ses positions, il faut quil ait été coupé de sa communauté et de sa famille. Sinon, les contraintes exercées par son entourage lempêchent de faire intervenir son libre-arbitre et de sexprimer en tant quindividu.
LEuropéen vit et sorganise en fonction de lui-même et de ses proches. Le musulman vit et sorganise en fonction de l'ensemble de sa communauté. Cest un comportement social qui se rapproche de celui des Japonais, ceux-çi étant cependant tournés vers le futur et peu enclins à regarder hors de leurs frontières tandis que les musulmans sont tournés vers le passé et considèrent leur communauté mondialement, hors notion de frontières.
En terre dislam, le devoir religieux des chefs constitue une fin en soi. Et elle renferme tout ce qui peut être accompli en faveur et au nom de lislam, considéré à la fois comme religion et comme système socio-politique. Dans un tel contexte, le khalîfe conquiert, défend et administre au nom de lislam et du coran. Ce système sappuie cependant sur des généralités de principe, non sur des règles stables. Cest un système autoritaire et foncièrement anti-démocratique. Il ny a personne entre le Khâlife et ses sujets, hormis des hommes à sa dévotion (policiers, militaires, juges, ) qui sont chargés dappliquer la sharîa en son nom et au nom dAllah. En terre dislam, tout homme qui est censé avoir une connaissance suffisante de la « Loi » peut remplir nimporte quelle fonction politique, administrative ou judiciaire. Cest la suprématie absolue de lenseignement coranique sur toutes les autres formes déducation. Et cest pour cela que, dans de nombreux pays musulmans, on ne dispense que lenseignement coranique. Cest là une source supplémentaire de fracture entre le monde occidental ouvert sur toutes les connaissances et le monde musulman obstinément hostile à toute connaissance qui nest pas conforme à la lettre du coran.
Rappelons cependant que dans lislam originel, la communauté des croyants disposait dun droit de regard vis-à-vis de la manière dinterpréter la loi coranique (40), même et surtout lorsque ces interprétations émanaient du khalîfe. Mais dès que la communauté commença à sidentifier à lEtat et vice-versa le pouvoir du « commandeur des croyants » (amîr al-mominîn) échappa totalement au contrôle des fidèles. Aujourdhui encore, le « chef » dune communauté musulmane autrement dit dun Etat musulman est dabord celui qui dirige la prière mais aussi le chef religieux qui confère à ses armées la « baraka », le gage de la victoire.
Saddam Hussein et le colonel Kadhafi illustrent bien ce rôle. Et dune certaine manière, Ussama ben Laden remplit exactement le même rôle vis-à-vis de sa « communauté ». Ce qui le différencie dun Saddam Hussein ou dun Kadhafi, cest que sa communauté est dispersée un peu partout dans le monde au lieu dêtre concentrée sur un territoire déterminée. Cest une communauté faite de mécontents, daigris, de déracinés et de fanatiques religieux. Cest une diaspora musulmane qui sest cristallisée autour dun homme en qui elle a cru se reconnaître. Ben Laden est le khâlife dune communauté qui se nomme « al Qaïda » (la solide base) et il se comporte bel et bien comme tel.
Comme les khalîfes de lancien empire arabo-musulman, les khalîfes modernes délèguent leurs pouvoirs en tout ou en partie à des subordonnés. Cest ainsi que limâm est chargé de diriger la prière au nom du khalîfe, que lamîr dirige les armées tandis que le vizir dirige le gouvernement, toujours au nom du khalîfe.
Cette délégation de pouvoirs a entraîné lapparition dune hiérarchie politique, militaire et sociale qui va à lencontre des principes de lislam originel. Elle a aussi été à lorigine de très nombreux coups dEtat, notamment de la part des amîrs qui ne se contentaient pas toujours de mener la « djihad » (guerre sainte) au nom du khalîfe. Quand ils rentraient victorieux, il leur arrivait souvent dexploiter leur prestige à des fins strictement personnelles. De ce fait, les régimes islamiques ont souvent été des régimes instables, secoués par des luttes intestines et des révolutions de palais.
Il résulte de tout cela que lomma qui constitue le fondement de la société musulmane est un principe erroné aux effets pervers. Il induit inévitablement un type de gouvernement antidémocratique, rarement efficace et généralement instable. Pour avoir quelques chances de survie, un pouvoir politique inspiré par lislam ne peut être que dictatorial et despotique. Cest le cas pour lArabie Saoudite et, dans une moindre mesure, pour le Maroc. Lexemple le plus caricatural que lon puisse citer est celui du régime des talibans, en Aghanistan. Il avait réuni, en quelques années tous les défauts, toutes les tares quun régime islamique « pur et dur » pouvait engendrer. Cest pourtant ce genre de régime que les « fous dAllah » (notamment ceux qui se sont ralliés à ben Laden) voudraient imposer au monde entier. Cest de la folie à létat pur !
Comme le faisait remarquer lauteur dun excellent article paru dans « LExpress », il peut paraître étonnant de constater que bon nombre de recrues du réseau « al Qaïda » sont nés dans des pays dEurope occidentale, donc relativement démocratiques. Ils ont fait des études et sont parfois détenteurs de diplômes délivrés par lenseignement supérieur ou universitaire. Ils nen sont pourtant pas moins de redoutables activistes et des fanatiques extrêmement dangereux. Cependant, lanalyste politique qui connaît bien le coran et lislam ne sétonnera nullement de cela. Déracinés, incapables de sinsérer dans un contexte socio-culturel (et socio-politique) qui est en totale contradiction avec les traditions que leur communauté leur a inculqué et persiste à entretenir hors des limites du monde musulman ils finissent par sen remettre à des orientations politico-religieuses qui ne sont pas sans rappeler celles des chiites des premiers temps. Cest une sorte de contestation globale de la société, une vision anarchique qui sinsère dans un schéma religieux à la fois irrationnel, anachronique et empreint de « don quichotisme ». Cest une sorte de « quête du graal » à la mode arabe, une fuite en avant teintée dune sorte de « romantisme islamique » qui simprègne des « épopées » de la grande époque des conquêtes arabo-musulmanes.
Cest aussi stupide que de vouloir refaçonner lEurope en sinspirant du modèle napoléonien ou des principes énoncés par Charlemagne ou Charles-Quint !
Cest surtout la preuve dune incapacité à sadapter et à évoluer qui est propre aux adeptes de l'islam. Et sil est vrai que la politique dite d « intégration » qui a été menée jusquà ce jour par les pays européens nest pas un modèle du genre, il faut aussi reconnaître que nombreux, très nombreux, sont les musulmans qui refusent de sintégrer, autrement dit de vivre en Europe selon les us et coutumes des Européens. Ils veulent vivre en Europe, ils veulent profiter de lEurope mais ils ne veulent pas de nos lois et de nos coutumes. Ils senferment dans leurs ghettos et rêvent dune Europe « islamisée » où la sharîa remplacerait nos codes civils et pénaux, une Europe où lArabe serait devenu une langue officielle et où les minarets des mosquées domineraient les clochers des cathédrales.
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