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Averroès de Cordoue (Ibn Rushd), 1126-1198Source : http://pedagogie.ac-toulouse.fr/culture/religieux/faitreliavebio.htm
Une famille de juristes cordouans aux service des almoravides. Averroès appartient à une famille respectée d’hommes de religion et de juristes. Son grand-père, le plus célèbre de la lignée, grand cadi de Cordoue, était à la tête d’une hiérarchie de magistrats, de desservants de mosquées et de prédicateurs. Averroès cadi (juge) a suivi la tradition familiale, mais il l’a étendue à d’autres fonctions et d’autres activités. Une formation solide, pur produit de l’éducation classique de son époque. Elle se fait par des maîtres particuliers. La formation initiale commence par l’étude, par cœur, du Coran, à laquelle s'ajoutent la grammaire, la poésie, des rudiments de calcul et l’apprentissage de l’écriture. Averroès étudie avec son père, le hadîth, la Tradition relative aux actes, paroles et attitudes du Prophète et le fiqh, droit au sens musulman, selon lequel le religieux et le juridique ne se dissocient pas. Les sciences et la philosophie ne sont étudiées qu’après une bonne formation religieuse. Averroès élargit l’activité intellectuelle de son milieu familial en s’intéressant aux sciences profanes : physique, astronomie, médecine. Á l’issue de sa formation, c’est un homme de religion féru de savoirs antiques et curieux de connaître la nature. Une carrière officielle de juriste et de médecin au service des Almohades. - Cadi à Séville, grand cadi à Cordoue, il suit la carrière de ses ascendants. En outre, il écrit des livres de droit dont le plus connu est la Bidâya, encore étudiée de nos jours à Médine. L’objectif d’Averroès est de mettre en évidence ce qui permet un bon jugement. Le fondement du droit est la Loi religieuse, mais il peut apparaître des problèmes d’interprétation. Par exemple, comment concilier le Coran qui interdit le prêt à intérêt assimilé à l’usure, et les opérations bancaires nécessitées par le grand commerce? Il s’agit de trouver des accomodations juridiques susceptibles de faire jurisprudence. Il est donc un praticien et un théoricien du droit. - Il est médecin, titre donné rarement, et qui suppose une réputation bien établie dans le domaine théorique et pratique. Il est nommé médecin de l’émir almohade Abu Yaqûb Yûsuf (1163-1184) à Marrakech en 1182. C’est d’ailleurs à l’occasion de leur première rencontre en 1166 que le prince lui aurait demandé de faire le commentaire des œuvre d’Aristote. Il sera également médecin de son successeur. En outre, il a rédigé des ouvrages de médecine dont un grand traité dans lequel s’exprime son adhésion à la médecine scientifique héritée des Grecs qu’il faut concilier avec "la médecine du prophète", ensemble des traditions rassemblant les pratiques et les conseils du Prophète en matière de soins à lui-même et à son entourage. En médecine comme en droit, Averroès fut praticien et théoricien. Averroès philosophe, un destin paradoxal.Ce n’est ni comme médecin ni comme juriste qu’Averroès fut connu des Latins mais comme philosophe, commentateur d’Aristote. L’émir Yûsuf Ier lui ayant demandé, en 1166, de présenter pédagogiquement l’œuvre d’Aristote, Averroès cherche à retrouver l’œuvre authentique. Il utilise plusieurs traductions. En appliquant les principes de la pensée logique dont la non-contradiction, et en utilisant sa connaissance globale de l’œuvre, il retrouve des erreurs de traduction, des lacunes et des rajouts. Il découvre ainsi la critique interne. Il a écrit trois types de commentaires : les Grands, les Moyens et les Abrégés. Il apparaît comme l’aristotélicien le plus fidèle des commentateurs médiévaux. En Islam, la philosophie héritée des Grecs, la falsafa, culmine en Orient avec Ibn Sina dit Avicenne (980-1037) et en Occident avec Averroès qui connaît et discute la pensée d’Avicenne. Averroès se heurte à la difficulté de concilier philosophie et religion. Il s’en explique dans "Le traité décisif sur l’accord de la religion et de la philisophie". Pour lui il n’y a pas de contradiction entre la Révélation et la philosophie: "le vrai ne peut contredire le vrai". Mais cette position n’est pas partagée par la majorité des théologiens et des croyants. Lui-même, homme de foi ayant adhéré sincèrement à la réforme politico-religieuse des Almohades, invite les philosophes à la modestie en leur rappelant que leur intelligence est aussi incapable de saisir Dieu que les yeux de la chauve-souris de voir le soleil. Il insiste sur le maintien de la religion et de la philosophie dans deux sphères séparées. Mais il subit les critiques des oulémas, spécialistes de la connaissance religieuse. A une époque, 1188-1189, marquée par des séditions dans le Maghreb central et la guerre sainte contre les chrétiens, le sultan Abû Yûsuf Yaqûb Al-Mansûr fait interdire la philosophie, les études et les livres, comme dans le domaine des moeurs, il interdit la vente du vin et le métier de chanteur et de musicien. A partir de 1195, Averroès, déjà suspect comme philosophe, est victime d’une campagne d’opinion qui vise à saper son prestige de cadi . Al-Mansûr sacrifie alors ses intellectuels à la pression des oulémas. Averroès est exilé en 1197 à Lucena, petite ville andalouse peuplée surtout de Juifs, en déclin depuis que les Almohades ont interdit toute religion autre que l’Islam. Après un court exil d’un an et demi, il est rappelé au Maroc où il reçoit le pardon du sultan, mais n’est pas rétabli dans ses fonctions. Il meurt à Marrakech le 10 ou 11 décembre 1198 sans avoir revu l’Andalousie. La mort d’Al-Mansûr peu de temps après marque le début de la décadence de l’empire almohade. Suspecté d’hérésie, il n’aura pas de postérité en terre d’Islam. L’œuvre d’Averroès sera sauvée par les traducteurs juifs. Elle passera par les Juifs de Catalogne et d’Occitanie dans la scholastique latine. |