Source : http://www.voltaire-integral.com/17/alcoran.htm
Section I.
Ce livre gouverne despotiquement toute l’Afrique
septentrionale du mont Atlas au désert de Barca, toute l’Égypte, les côtes
de l’océan Éthiopien dans l’espace de six cents lieues, la Syrie, l’Asie
Mineure, tous les pays qui entourent la mer Noire et la mer Caspienne,
excepté le royaume d’Astracan, tout l’empire de l’Indoustan, toute la
Perse, une grande partie de la Tartarie, et dans notre Europe la Thrace,
la Macédoine, la Bulgarie, la Servie, la Bosnie, toute la Grèce, l’Épire
et presque toutes les îles jusqu’au petit détroit d’Otrante où finissent
toutes ces immenses possessions.
Dans cette prodigieuse étendue de pays il n’y a pas un
seul mahométan qui ait le bonheur de lire nos livres sacrés; et très peu
de littérateurs parmi nous connaissent le Koran. Nous nous en
faisons presque toujours une idée ridicule malgré les recherches de nos
véritables savants.
Voici les premières lignes de ce livre:
« Louanges à Dieu, le souverain de tous les mondes, au
Dieu de miséricorde, au souverain du jour de la justice; c’est toi que
nous adorons, c’est de toi seul que nous attendons la protection.
Conduis-nous dans les voies droites, dans les voies de ceux que tu as
comblés de tes grâces, non dans les voies des objets de ta colère, et de
ceux qui sont égarés. »
Telle est l’introduction, après quoi l’on voit trois
lettres, A, L, M, qui, selon le savant Sale, ne s’entendent point,
puisque chaque commentateur les explique à sa manière; mais selon la plus
commune opinion elles signifient, Allah, Latif, Magid, Dieu, la
grâce, la gloire.
Mahomet continue, et c’est Dieu lui-même qui lui parle.
Voici ses propres mots:
« Ce livre n’admet point de doute, il est la direction
des justes qui croient aux profondeurs de la foi, qui observent les temps
de la prière, qui répandent en aumônes ce que noue avons daigné leur
donner, qui sont convaincus de la révélation descendue jusqu’à toi, et
envoyée aux prophètes avant toi. Que les fidèles aient une ferme assurance
dans la vie à venir: qu’ils soient dirigés par leur seigneur, et ils
seront heureux.
« A l’égard des incrédules, il est égal pour eux que tu
les avertisses on non; ils ne croient pas: le sceau de l’infidélité est
sur leur coeur et sur leurs oreilles; les ténèbres couvrent leurs yeux; la
punition terrible les attend.
« Quelques-uns disent: Nous croyons en Dieu, et au
dernier jour; mais au fond ils ne sont pas croyants. Ils imaginent
tromper l’Éternel; ils se trompent eux-mêmes sans le savoir; l’infirmité
est dans leur coeur et Dieu même augmente cette infirmité, etc.
»
On prétend que ces paroles ont cent fois plus d’énergie
en arabe. En effet l’Alcoran passe encore aujourd’hui pour le livre
le plus élégant et le plus sublime qui ait encore été écrit dans cette
langue.
Nous avons imputé à l’Alcoran une infinité de sottises
qui n’y furent jamais(1).
Ce fut principalement contre les Turcs devenus mahométans
que nos moines écrivirent tant de livres, lorsqu’on ne pouvait guère
répondre autrement aux conquérants de Constantinople. Nos auteurs, qui
sont en beaucoup plus grand nombre que les janissaires, n’eurent pas
beaucoup de peine à mettre nos femmes dans leur parti: ils leur
persuadèrent que Mahomet ne les regardait pas comme des animaux
intelligents; qu’elles étaient toutes esclaves par les lois de
l’Alcoran; qu’elles ne possédaient aucun bien dans ce monde, et
que, dans l’autre, elles n’avaient aucune part au paradis. Tout cela est
d’une fausseté évidente; et tout cela a été cru
fermement.
Il suffisait pourtant de lire le second et le quatrième
sura(2) ou
chapitre de l’Alcoran pour être détrompé; on y trouverait les lois
suivantes; elles sont traduites également par du Ryer qui demeura
longtemps à Constantinople, par Maracci qui n’y alla jamais, et par Sale
qui vécut vingt-cinq ans parmi les Arabes.
Règlements de Mahomet sur les
femmes.
I. « N’épousez de femmes idolâtres que quand elles seront
croyantes. Une servante musulmane vaut mieux que la plus grande dame
idolâtre.
II. « Ceux qui font voeu de chasteté ayant des femmes,
attendront quatre mois pour se déterminer.
Les femmes se comporteront envers leurs maris comme leurs
maris envers elles.
III. « Vous pouvez faire un divorce deux fois avec votre
femme; mais à la troisième, si vous la renvoyez, c’est pour jamais; ou
vous la retiendrez avec humanité, ou vous la renverrez avec bonté. Il ne
vous est pas permis de rien retenir de ce que vous lui avez
donné.
IV. « Les honnêtes femmes sont obéissantes et attentives,
même pendant l’absence de leurs maris. Si elles sont sages, gardes-vous de
leur faire la moindre querelle; s’il en arrive une, prenez un arbitre de
votre famille et un de la sienne.
V. « Prenez une femme, ou deux, ou trois, ou quatre, et
jamais davantage. Mais dans la crainte de ne pouvoir agir équitablement
envers plusieurs, n’en prenez qu’une. Donnez-leur un douaire convenable;
ayez soin d’elles, ne leur parlez jamais qu’avec
amitié....
VI. « Il ne vous est pas permis d’hériter de vos femmes
contre leur gré, ni de les empêcher de se marier à d’autres après le
divorce, pour vous emparer de leur douaire, à moins qu’elles n’aient été
déclarées coupables de quelque crime.
« Si vous voulez quitter votre femme pour en prendre une
autre, quand vous lui auriez donné la valeur d’un talent en mariage, ne
prenez rien d’elle.
VII. « Il vous est permis d’épouser des esclaves, mais il
est mieux de vous en abstenir.
VIII. « Une femme renvoyée est obligée d’allaiter son
enfant pendant deux ans, et le père est obligé pendant ce temps-là de
donner un entretien honnête selon sa condition. Si on sèvre l’enfant avant
deux ans, il faut le consentement du père et de la mère. Si vous êtes
obligé de le confier à une nourrice étrangère, vous la payerez
raisonnablement. »
En voilà suffisamment pour réconcilier les femmes avec
Mahomet, qui ne les a pas traitées si durement qu’on le dit. Nous ne
prétendons point le justifier ni sur son ignorance, ni sur son imposture;
mais nous ne pouvons le condamner sur sa doctrine d’un seul Dieu. Ces
seules paroles du sura 122, « Dieu est unique, éternel, il n’engendre
point, il n’est point engendré, rien n’est semblable à lui; » ces paroles,
dis-je, lui ont soumis l’orient encore plus que son
épée.
Au reste, cet Alcoran, dont nous parlons, est un
recueil de révélations ridicules et de prédications vagues et
incohérentes, mais des lois très bonnes pour le pays où il vivait, et qui
sont toutes encore suivies sans avoir jamais été affaiblies ou changées
par des interprètes mahométans, ni par des décrets
nouveaux.
Mahomet eut pour ennemis non seulement les prêtres de la Mecque, mais surtout les docteurs. Ceux-ci soulevèrent contre lui les
magistrats, qui donnèrent décret de prise de corps contre lui, comme
dûment atteint et convaincu d’avoir dit qu’il fallait adorer Dieu et non
pas les étoiles. Ce fut, comme on sait, la source de sa grandeur. Quand on
vit qu’on ne pouvait le perdre, et que ses écrits prenaient faveur, on
débita dans la ville qu’il n’en était pas l’auteur, ou que du moins il se
faisait aider dans la composition de ses feuilles, tantôt par un savant
juif, tantôt par un savant chrétien; supposé qu’il y eût alors des
savants.
C’est ainsi que parmi nous on a reproché à plus d’un
prélat d’avoir fait composer leurs sermons et leurs oraisons funèbres par
des moines. Il y avait un P. Hercule qui faisait les sermons d’un certain
évêque; et quand on allait à ces sermons, on disait: « Allons entendre les
travaux d’Hercule. »
Mahomet répond à cette imputation dans son chapitre xvi,
à l’occasion d’une grosse sottise qu’il avait dite en chaire, et qu’on
avait vivement relevée. Voici comme il se tire
d’affaire.
« Quand tu liras le Koran, adresse-toi à Dieu,
afin qu’il te préserve de Satan.... il n’a de pouvoir que sur ceux qui
l’ont pris pour maître, et qui donnent des compagnons à
Dieu.
« Quand je substitue dans le Koran un verset à un
autre (et Dieu sait la raison de ces changements), quelques infidèles
disent: Tu as forgé ces versets; mais ils ne savent pas distinguer
le vrai d’avec le faux: dites plutôt que l’Esprit saint m’a apporté ces
versets de la part de Dieu avec la vérité.... D’autres disent plus
malignement: « Il y a un certain homme qui travaille avec lui à composer
le Koran; » mais comment cet homme à qui ils attribuent mes
ouvrages pourrait-il m’enseigner, puisqu’il parle une langue étrangère, et
que celle dans laquelle le Koran est écrit, est l’arabe le plus
pur? »
Celui qu’on prétendait travailler(3)
avec Mahomet était un juif nommé Bensalen ou Bensalon. Il n’est guère
vraisemblable qu’un juif eût aidé Mahomet à écrire contre les juifs; mais
la chose n’est pas impossible. Nous avons dit depuis que c’était un moine
qui travaillait à l’Alcoran avec Mahomet. Les uns le nommaient
Bohaïra, les autres Sergius. Il est plaisant que ce moine ait eu un nom
latin et un nom arabe.
Quant aux belles disputes théologiques qui se sont
élevées entre les musulmans, je ne m’en mêle pas, c’est au muphti à
décider.
C’est une grande question si l’Alcoran est éternel
ou s’il a été créé; les musulmans rigides le croient
éternel.
On a imprimé à la suite de l’histoire de Chalcondyle le
Triomphe de la croix; et dans ce Triomphe il est dit que
l’Alcoran est arien, sabellien, carpocratien, cerdonicien,
manichéen, donatiste, origénien, macédonien, ébionite. Mahomet n’était
pourtant rien de tout cela; il était plutôt janséniste; car le fond de sa
doctrine est le décret absolu de la prédestination
gratuite.
Section II.
C’était un sublime et hardi charlatan que ce Mahomet,
fils d’Abdalla. Il dit dans son dixième chapitre: « Quel autre que Dieu
peut avoir composé l’Alcoran? On crie: « C’est Mahomet qui a forgé ce
livre. » Eh bien; tâchez d’écrire un chapitre qui lui ressemble, et
appelez à votre aide qui vous voudrez. » Au dix-septième il s’écrie: «
Louange à celui qui a transporté pendant la nuit son serviteur du sacré
temple de la Mecque à celui de Jérusalem! » C’est un assez beau voyage,
mais il n’approche pas de celui qu’il fit cette nuit même de planète en
planète, et des belles choses qu’il y vit.
Il prétendait qu’il y avait cinq cents années de chemin
d’une planète à une autre, et qu’il fendit la lune en deux. Ses disciples,
qui rassemblèrent solennellement des versets de son Koran après sa
mort, retranchèrent ce voyage du ciel. Ils craignirent les railleurs et
les philosophes. C’était avoir trop de délicatesse. Ils pouvaient s’en
fier aux commentateurs, qui auraient bien su expliquer l’itinéraire. Les
amis de Mahomet devaient savoir par expérience que le merveilleux est la
raison du peuple. Les sages contredisent en secret, et le peuple les fait
taire. Mais en retranchant l’itinéraire des planètes, on laissa quelques
petits mots sur l’aventure de la lune, on ne peut pas prendre garde à
tout.
Le Koran est une rapsodie sans liaison, sans
ordre, sans art; on dit pourtant que ce livre ennuyeux est un fort beau
livre; je m’en rapporte aux Arabes, qui prétendent qu’il est écrit avec
une élégance et une pureté dont personne n’a approché depuis. C’est un
poème, ou une espèce de prose rimée, qui contient six mille vers. Il n’y a
point de poète dont la personne et l’ouvrage aient fait une telle fortune.
On agita chez les musulmans si l’Alcoran était éternel, ou si Dieu
l’avait créé pour le dicter à Mahomet. Les docteurs décidèrent qu’il était
éternel; ils avaient raison, cette éternité est bien plus belle que
l’autre opinion. Il faut toujours avec le vulgaire prendre le parti le
plus incroyable.
Les moines qui se sont déchaînés contre Mahomet, et qui
ont dit tant de sottises sur son compte, ont prétendu qu’il ne savait pas
écrire. Mais comment imaginer qu’un homme qui avait été négociant, poète,
législateur et souverain, ne sût pas signer son nom? Si son livre est
mauvais pour notre temps et pour nous, il était fort bon pour ses
contemporains, et sa religion encore meilleure. Il faut avouer qu’il
retira presque toute l’Asie de l’idolâtrie. Il enseigna l’unité de Dieu;
il déclamait avec force contre ceux qui lui donnent des associés. Chez lui
l’usure avec les étrangers est défendue, l’aumône ordonnée. La prière est
d’une nécessité absolue; la résignation aux décrets éternels est le grand
mobile de tout. Il était bien difficile qu’une religion si simple et si
sage, enseignée par un homme toujours victorieux, ne subjuguât pas une
partie de la terre. En effet les musulmans ont fait autant de prosélytes
par la parole que par l’épée. Ils ont converti à leur religion les Indiens
et jusqu’aux nègres. Les Turcs même leurs vainqueurs se sont soumis à
l’islamisme.
Mahomet laissa dans sa loi beaucoup de choses qu’il
trouva établies chez les Arabes; la circoncision, le jeûne, le voyage de
la Mecque qui était en usage quatre mille ans avant lui; des ablutions si
nécessaires à la santé et à la propreté dans un pays brûlant où le linge
était inconnu; enfin l’idée d’un jugement dernier que les mages avaient
toujours établie, et qui était parvenue jusqu’aux Arabes. Il est dit que
comme il annonçait qu’on ressusciterait tout nu, Aishca sa femme trouva la
chose immodeste et dangereuse: « Allez, ma bonne, lui dit-il, on n’aura
pas alors envie de rire. Un ange, selon le Koran, doit peser les
hommes et les femmes dans une grande balance. Cette idée est encore prise
des mages. Il leur a volé aussi leur pont aigu, sur lequel il faut passer
après la mort, et leur jannat, où les élus musulmans trouveront des bains,
des appartements bien meublés, de bons lits, et des houris avec de grands
yeux noirs. Il est vrai aussi qu’il dit que tous ces plaisirs des sens, si
nécessaires à tous ceux qui ressusciteront avec des sens, n’approcheront
pas du plaisir de la contemplation de l’Être suprême. Il a l’humilité
d’avouer dans son Koran que lui-même n’ira point en paradis par son
propre mérite, mais par la pure volonté de Dieu. C’est aussi par cette
pure volonté divine qu’il ordonne que la cinquième partie des dépouilles
sera toujours pour le prophète.
Il n’est pas vrai qu’il exclue du paradis les femmes. Il
n’y a pas d’apparence qu’un homme aussi habile ait voulu se brouiller avec
cette moitié du genre humain qui conduit l’autre. Abulfeda rapporte qu’une
vieille l’importunant un jour, en lui demandant ce qu’il fallait faire
pour aller au paradis: « M’amie, lui dit-il, le paradis n’est pas pour les
vieilles. » La bonne femme se mit à pleurer, et le prophète, pour la
consoler, lui dit: « Il n’y aura point de vieilles, parce qu’elles
rajeuniront. » Cette doctrine consolante est confirmée dans le
cinquante-quatrième chapitre du Koran.
Il défendit le vin, parce qu’un jour quelques-uns de ses
sectateurs arrivèrent à la prière étant ivres. Il permit la pluralité des
femmes, se conformant en ce point à l’usage immémorial des
Orientaux.
En un mot, ses lois civiles sont bonnes; son dogme est
admirable en ce qu’il a de conforme avec le nôtre mais les moyens sont
affreux; c’est la fourberie et le meurtre.
On l’excuse sur la fourberie, parce que, dit-on, les
Arabes comptaient avant lui cent vingt-quatre mille prophètes, et qu’il
n’y avait pas grand mal qu’il en parût un de plus. Les hommes,
ajoute-t-on, ont besoin d’être trompés. Mais comment justifier un homme
qui vous dit « Crois que j’ai parlé à l’ange Gabriel, ou paye-moi un
tribut? »
Combien est préférable un Confucius, le premier
des mortels qui n’ont point eu de révélation; il n’emploie que la raison,
et non le mensonge et l’épée. Vice-roi d’une grande province, il y fait
fleurir la morale et les lois: disgracié et pauvre, il les enseigne il les
pratique dans la grandeur et dans l’abaissement; il rend la vertu aimable;
il a pour disciple le plus ancien et le plus sage des
peuples.
Le comte de Boulainvilliers, qui avait du goût pour
Mahomet, a beau me vanter les Arabes, il ne peut empêcher que ce ne fût un
peuple de brigands; ils volaient avant Mahomet en adorant les étoiles; ils
volaient sous Mahomet au nom de Dieu. Ils avaient, dit-on, la simplicité
des temps héroïques; mais qu’est-ce que les siècles héroïques? c’était le
temps où l’on s’égorgeait pour un puits et pour une citerne, comme on fait
aujourd’hui pour une province.
Les premiers musulmans furent animés par Mahomet de la
rage de l’enthousiasme. Rien n’est plus terrible qu’un peuple qui, n’ayant
rien à perdre, combat à la fois par esprit de rapine et de
religion.
Il est vrai qu’il n’y avait pas beaucoup de finesse dans
leurs procédés. Le contrat du premier mariage de Mahomet porte «
qu’attendu que Cadisha est amoureuse de lui, et lui pareillement amoureux
d’elle, on a trouvé bon de les conjoindre. » Mais y a-t-il tant de
simplicité à lui avoir composé une généalogie, dans laquelle on le fait
descendre d’Adam en droite ligne, comme on en a fait descendre depuis
quelques maisons d’Espagne et d’Écosse? L’Arabie avait son Moreri
et son Mercure galant.
Le grand prophète essuya la disgrâce commune à tant de
maris; il n’y a personne après cela qui puisse se plaindre. On connaît le
nom de celui qui eut les faveurs de sa seconde femme, la belle Aishca; il
s’appelait Assan. Mahomet se comporta avec plus de hauteur que César, qui
répudia sa femme, disant qu’il ne fallait pas que la femme de César fût
soupçonnée. Le prophète ne voulut pas même soupçonner la sienne; il fit
descendre du ciel un chapitre du Koran, pour affirmer que sa femme
était fidèle. Ce chapitre était écrit de toute éternité, aussi bien que
tous les autres.
On l’admire pour s’être fait, de marchand de chameaux,
pontife, législateur, et monarque; pour avoir soumis l’Arabie, qui ne
l’avait jamais été avant lui, pour avoir donné les premières secousses à
l’empire romain d’orient et à celui des Perses. Je l’admire encore pour
avoir entretenu la paix dans sa maison parmi ses femmes. Il a changé la
face d’une partie de l’Europe, de la moitié de l’Asie, de presque toute
l’Afrique, et il s’en est bien peu fallu que sa religion n’ait subjugué
l’univers.
A quoi tiennent les révolutions; un coup de pierre un peu
plus fort que celui qu’il reçut dans son premier combat, donnait une autre
destinée au monde.
Son gendre Ali prétendit que quand il fallut inhumer le
prophète, on le trouva dans un état qui n’est pas trop ordinaire aux morts
et que sa veuve Aishca s’écria: « Si j’avais su que Dieu eût fait cette
grâce au défunt, j’y serais accourue à l’instant. » On pouvait dire de
lui: Decet imperatorem stantem mori.
Jamais la vie d’un homme ne fut écrite dans un plus grand
détail que la sienne. Les moindres particularités en étaient sacrées; on
sait le compte et le nom de tout ce qui lui appartenait, neuf épées, trois
lances, trois arcs, sept cuirasses, trois boucliers, douze femmes, un coq
blanc, sept chevaux, deux mules, quatre chameaux, sans compter la jument
Borac sur laquelle il monta au ciel; mais il ne l’avait que par emprunt,
elle appartenait en propre à l’ange Gabriel.
Toutes ses paroles ont été recueillies. Il disait que «
la jouissance des femmes le rendait plus fervent à la prière. » En effet,
pourquoi ne pas dire benedicite et grâces au lit comme à
table? une belle femme vaut bien un souper. On prétend encore qu’il était
un grand médecin; ainsi il ne lui manqua rien pour tromper les
hommes.
Notes.
Note 1 Voyez l’article Arot et
Marot.
Note 2 En comptant l’introduction pour un
chapitre.
Note 3 Voyez l’Alcoran de Sale, p.
223.
Voltaire
Concernant Mahomet et l'opinon de Voltaire à son sujet, voir à ce propos dans sa biographie.
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