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Les surlignements et les [commentaires en italique entre crochets] sont des ajouts qui font le parallèle avec le cas de Mahomet
I. INTRODUCTION Sous l'appellation
de délires chroniques ou de psychoses chroniques, on
désigne en France un groupe d'affections mentales caractérisées par une
altération structurale de la personnalité qui permet l'installation, le
développement et l'extension d'idées délirantes permanentes. Celles-ci procédant
d'intuitions, d'interprétations, d'illusions, d'hallucinations perturbent
radicalement le système d'idées, de jugements, de croyances et imprègnent toute
la vie affective et relationnelle.
Les délires chroniques n'évoluent pas vers la dissociation des différents
secteurs de la personnalité comme dans la schizophrénie, non plus que vers la
faillite des processus intellectuels comme dans les démences organiques ;
certains d'entre eux restent longtemps compatibles avec une relative adaptation
aux contingences extérieures. Certains délirants chroniques [par exemple, Mahomet], exemplaires de
ce que réalise l'aliénation mentale (comme fait psychopathologique individuel
autant que comme situation socio-juridique) provoquent des attitudes d'anxiété
et de mise à l'écart du fait de leur élaboration délirante, du caractère
inébranlable de leurs convictions pathologiques et du réel danger qu'ils
représentent parfois ; d'autres suscitent des réactions d'étonnement, voire de
fascination, devant l'extraordinaire richesse des productions imaginatives et
délirantes. [par exemple, Mahomet et son coran, ou encore Augustin Lesage et ses tableaux]
Durant ces dernières décennies, si la classification des délires chroniques
n'a pas subi de remaniement conséquent, c'est à la compréhension et à la
signification du délire que se sont attachés de nombreux travaux
phénoménologiques, psychanalytiques et structuralistes en particulier.
Le délire en tant que mutation fondamentale des croyances et disjonction de
l'axe des valeurs est considéré tantôt comme l'expression d'un conflit psychique
réactionnel à un ou des événements historiques précis ("formations
paranoïaques") tantôt comme la projection de désirs inconscients sur la réalité
qui se trouve modifiée ou niée en fonction même des exigences
fantasmatiques.
II. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES ET ETIOLOGIQUES
Les délires chroniques sont considérés, dans leur ensemble, aussi fréquents chez l'homme que chez la femme ; chez l'homme
s'observent davantage de délires paranoïaques de revendication [Mahomet revendiquait d'être reconnu comme le chef de tout et de tous], alors que chez
la femme se rencontrent plus de délires hallucinatoires. C'est autour de la quarantaine que s'expriment les premières
manifestations délirantes. Si les préjugés nationaux, raciaux, religieux,
sociaux ou politiques alimentent par leur actualité certains thèmes du délire,
il ne parait pas exister de spécificité socioculturelle.
A partir
d'observations cliniques et de prises en charge thérapeutiques, la psychanalyse
a démontré que le délire avait une signification et
une valeur fonctionnelle pour le délirant :
l'émergence d'idées délirantes permet de nier la réalité, de détendre et
d'extérioriser les conflits internes, d'atteindre aussi à des satisfactions
compensatrices.
Des formes symptomatiques de
délire chroniques, qui témoignent de l'existence d'une pathologie somatique
sous-jacente, sont connues : inaugurales de syndromes démentiels, séquellaires
d'affections cérébro-méningées, compliquant une maladie de Parkinson ou une
épilepsie ancienne, un alcoolisme chronique. Dans certains cas, se discute la
responsabilité d'un agent déclenchant qui vient rompre l'équilibre
instinctivo-affectif ou biologique du sujet : traumatisme accidentel ou
chirurgical, ménopause, séparation, deuil, retraite. De tels avatars imposent
toujours des remaniements psychodynamiques et existentiels non négligeables mais
leur responsabilité directe dans la genèse d'un délire chronique est toujours
discutable et pose au minimum la question de la personnalité prémorbide.
III. ETUDE CLINIQUE
III.1. Sémiologie des délires chroniques : Les idées délirantes
sont individuelles, non partagées par les sujets de même niveau socioculturel,
de même race, de même âge, de même époque, de même éducation [les habitants de La Mecque, où vivait Mahomet à l'époque de la survenue de son délire, identifièrent parfaitement bien ses revendications pour ce qu'elles étaient : le délire d'un déséquilibré, et ils s'en moquèrent abondamment.] : le jugement de
réalité qu'elles représentent a un caractère subjectif et inébranlable car
l'expérience comme la démonstration logique sont incapables de les modifier : la
conviction délirante est totale, le patient adhère complètement à ses idées
délirantes, sans critique. [c'est cette obstination de Mahomet à persister agressivement dans ses délires qui amena les habitants de La Mecque à envisager de l'assassiner. L'internement en asile psychiatrique n'existant pas à l'époque, l'assassinat était la seule solution possible pour se protéger d'individus aussi dangereux]
III.1.1. Les mécanismes délirants On appelle "mécanismes"
générateurs ou responsables du délire, les altérations psychologiques
qui, interférant avec l'appréhension de la réalité, constituent les modalités de
l'objectivation délirante. Les mécanismes les plus fréquemment observés
procèdent :
de troubles du jugement : l'interprétation délirante en est
exemplaire : il s'agit d'un jugement faux ou d'une déduction fausse portés sur
une perception exacte (exemple : "tous les coups de klaxon que j'entends dans la
rue me sont destinés : c'est pour m'avertir que je suis en danger")
d'altérations des perceptions sensorielles : il peut s'agir :
- d'illusions qui consistent en une dénaturation
ou une déformation d'un objet réel, incorrectement perçu. - d'hallucinations qui sont de fausses perceptions survenant en
l'absence de stimulus extérieur. On les définit aussi comme des perceptions sans
objet à percevoir. On distingue dans le cadre des hallucinations psychosensorielles : - les
hallucinations auditives : perception de bruits, de bourdonnements,
de voix surtout. (hallucinations acoustico-verbales). Les voix peuvent être
proches ou lointaines, identifiées ou inconnues, elles donnent des ordres [Dans le cas de Mahomet, il identifia la voix comme étant celle de l'ange Gabriel, d'autant qu'en plus il eut des hallucinations visuelles et vit l'ange],
souvent font des menaces et injurient. - les hallucinations
visuelles : ce sont des visions, des apparitions de lueurs, de tâches
colorées, de personnages [Dans le cas de Mahomet, il vit l'ange Gabriel] ou de scènes animées. Les images peuvent être
démesurément grandies (macropsies) [Mahomet décrit l'ange Gabriel comme un personnage qui remplissait le ciel au dessus de l'horizon et qui était visible quel que soit l'endroit vers lequel il regardait; Ceci correspond parfaitement à une hallucination avec macropsie] ou réduites (micropsies) ou de taille
banale. - les hallucinations olfactives ou
gustatives : elles ont généralement une tonalité
désagréable. Les odeurs perçues, la saveur sont nauséabondes, écœurantes,
amères. - les hallucinations tactiles : il s'agit
plus souvent d'hallucinations spontanées du tact passif (toucher imposé) [Lors de sa premiere hallucination, où il crut voir l'ange Gabriel, Mahomet eut, à plusieurs reprises , la sensation que « l'ange » l'enveloppait, l'étouffait puis le relachait] que
d'hallucinations du toucher actif (perturbant la reconnaissance de la matière,
de la taille ou du volume des objets). Il s'agit de sensations dermiques ou
hypodermiques de froid, de chaud, de piqûres, de grouillements, de
démangeaisons. - les hallucinations cénesthésiques
: elles intéressent la sensibilité interne avec impressions
hallucinatoires de transformation totale du corps (éclatement, métamorphose) ou
de sensations localisées à tel ou tel organe. Les cénesthopathies
hallucinatoires sont éprouvées au niveau des organes sexuels (caresses,
pénétration vaginale ou anale, orgasmes), de la sphère digestive (intestins
bouchés, distendus, pourris), thoraciques (cœur de glace, poumons en
caoutchouc). - les hallucinations psychiques : il
s'agit de voix intérieures qui n'ont qu'une représentation mentale. Le sujet
pense qu'on force sa pensée, qu'il est soumis à des expériences de télépathie
qui lui imposent des idées et lui font perdre le contrôle de sa propre
subjectivité. Les hallucinations psychiques constituent la base : * du syndrome d'influence : le sujet se sent dépossédé de
lui- même, soumis à une action extérieure qui commande ou commente ses actes,
devance ses sentiments, lui impose de prononcer des phrases ou d'entreprendre
des actions qu'il ne reconnaît pas comme les siennes. Il existe là une
mécanisation de la vie psychique avec désappropriation du sujet par une force ou
une personne extérieures à lui-même (phénomène d'extranéité). * du syndrome d'automatisme mental qui est caractérisé par le
fonctionnement automatique, spontané et dissident de tout ou partie de la vie
psychique du sujet. Il existe alors un écho de la pensée (qui apparaît doublée,
répétée, répercutée), un écho de la lecture et de l'écriture, un vol et un
devinement de la pensée ("tout le monde sait ce que je pense", "plus aucune idée
ne m'appartient"), un commentaire des actes ("tout ce que je fais est répété,
critiqué").
de proliférations imaginaires.
d'intuitions subites : le patient a la révélation d'un fait,
d'une idée, et y adhère, par exemple, intuition délirante d'être le messie. Les
intuitions sont généralement initiales dans un processus délirant.
Véritablement matriciels, les mécanismes en cause (plus souvent
multiples qu'uniques) vont permettre l'élaboration puis le "travail du délire" :
c'est sous la forme de suppositions, d'interrogations, d'assertions que
s'énoncera la thématique délirante.
III.1.2. Les thèmes délirants
Les thèmes délirants les plus fréquents dans les syndromes délirants
chroniques sont :
les thèmes de persécution : la
conviction du patient est absolue de l'intention qu'on a de lui nuire dans sa
personne physique, morale (réputation, famille, travail) ou dans ses biens. Les
formes de persécution sont multiples : surveillance, écoutes, filatures,
sarcasmes, menaces, calomnies, machinations, empoisonnements, attentats. Les
procédés utilisés sont conformes à la tradition ou s'inspirent souvent des
techniques scientifiques les plus modernes : magnétisme, hypnose, sorcellerie,
envoûtement, mais aussi microphones, radars, laser, radiations atomiques, ondes
hertziennes, ordinateurs, Internet, etc....
les thèmes d'influence : le malade a l'impression d'"être
agi", commandé par une force extérieure à lui, agissant du dehors et
s'implantant en lui. Les idées qu'on lui impose, les gestes qu'on lui fait
faire, les sensations qu'on lui donne à éprouver, les mots qu'on lui fait dire,
les expériences qu'il subit contribuent à l'impression de mécanisation de la vie
psychique.
les thèmes de grandeur sont primitifs, ou secondaires et
compensatoires à des idées de persécution. Les malades expriment des idées de
richesse, de mission à accomplir [Mahomet s'octroya un cinquième de tous les pillages qu'il ordonna, justifiant ces pillages comme étant une mission divine ordonnée par Allah. Le coran comporte d'ailleurs une sourate consacrée au butin, et intitulée très explicitement "Le butin"], de découvertes exceptionnelles, de religion
nouvelle à annoncer [la religion de "la soumission", traduction du terme arabe "islam", "musulman" signifiant pour sa part "soumis"], ou de filiation royale ou princière [Mahomet affirma descendre d'Abraham]. La mégalomanie
s'exprime sans réticence, conduisant à la multiplication d'interventions auprès
de personnages haut-placés [Mahomet fit envoyer des émissaires à tous les rois environnants pour leur ordonner de se convertir à l'islam et de la reconnaître comme prophète].
les thèmes mystiques très souvent articulés avec des thèmes
de préjudice ou d'influence, s'organisent en délires prophétiques ou
messianiques [Mahomet décréta non seulement qu'il était un prophète mais qu'il était le plus grand et le dernier. Pour les musulmans, « Mahomet est le sceau des prophètes ». A ne pas confondre avec « Mahomerde, le sot des prophètes »].
les thèmes hypocondriaques s'ordonnent autour de sensations
douloureuses, pénibles, insolites et persistantes, intéressant une région
corporelle profonde ; à partir de ces sensations sont exprimées des idées de
transformation du corps, de ses fonctions et de ses organes (estomac ou
intestins infectés, décomposés, déformés, bouchés, cœur de glace, etc...), ou
des idées d'agression corporelle liées à des thèmes de persécution, d'influence
ou de possession.
les thèmes de négation sont connus sous le nom de syndrome
de COTARD qui comprend : une tendance à l'opposition, au refus, à la
contradiction systématique, ainsi qu'une conviction de changement, de
destruction, de non existence concernant la personne
physique ou morale. La conviction délirante atteint parfois la négation du monde
extérieur, et s'associe aussi à des idées d'énormité, d'immortalité, de
possession animale ou démoniaque, de damnation.
III.1.3. La structuration du délire :
Systématisation : L'analyse sémiologique des délires
chroniques doit s'attacher à la façon dont les idées délirantes s'enchaînent les
unes aux autres dans le discours du patient. On parlera alors du degré de
systématisation du délire, c'est-à-dire de la
logique interne et de l'organisation des idées exprimées, de sa
compréhensibilité.
Degré d'extension Le degré d'extension
du délire correspond à la manière dont le délire imprègne et perturbe
la vie du sujet. On parle de délire en secteur
lorsque le délire reste circonscrit à un seul domaine de la vie du patient
(délire passionnel, par exemple) et n'entrave pas une partie de ses capacités
(professionnelles, ou sociales, …). On parle de délire en
réseau lorsque le délire envahit progressivement tous les champs de
la vie du sujet, pour perturber dans sa globalité tout le fonctionnement
mental. [Mahomet centrera absolument tous les aspects de sa vie autour du thème de la religion révélée par Allah, et ses adeptes vont suivre aveuglément son modèle. C'est ce qui explique pourquoi l'islam se même d'absolument TOUS les aspects de la vie, depuis la façon de manger jusqu'à la façon de se torcher le cul en passant par la manière de mettre ses chaussures, ou ses chaussettes.]
Les délires comportant un haut degré de systématisation, évoluant en secteur,
sont volontiers les délires paranoïaques, en particulier passionnels. Ils
s'opposent point par point au délire paranoïde (mécanisme unique contre
mécanismes multiples ; thème unique ou avec un thème secondaire directement
relié au principal contre thèmes multiples ; systématisation importante contre
absence totale de systématisation). Les psychoses hallucinatoires chroniques
sont généralement beaucoup moins bien systématisées.
IV. LES ORGANISATIONS DELIRANTES CHRONIQUES
Elles sont polymorphes, tirant leur physionomie des organisateurs du délire
autant que de la personnalité du sujet, souvent profondément altérée. Les délires chroniques purs sont beaucoup plus rares que les formes
mixtes, mais dans une perspective didactique nous envisagerons
successivement :
IV.1. Les délires paranoïaques systématisés :
L'émergence délirante s'inscrit le plus souvent sur une personnalité paranoïaque (de paranoïa : je pense à côté)
marquée par l'orgueil (avec égocentrisme,
autophilie, surévaluation mégalomaniaque [Mahomet se définira, via le coran soi-disant dicté par Allah, comme le personnage central de la nouvelle religion, l'islam, mais il jouera le modeste en déclarant systématiquement qu'il n'était qu'un serviteur d'Allah.] des capacités de tous ordres), la
méfiance (avec une forte tendance à la suspicion
concernant les sentiments et les jugements d'autrui), la psychorigidité (avec froideur affective, entêtement, rigidité
des attitudes d'esprit, des décisions et des pensées), la
fausseté du jugement. Les raisonnements logiques longuement
développés, les démonstrations systématisées du paranoïaque sont l'occasion de
percevoir le fonctionnement morbide de la pensée. Défiant, intolérant,
susceptible, circonspect, n'admettant pas la contradiction ni même le doute, [c'est exactement la façon dont se comportera Mahomet ] le
paranoïaque infléchit ses croyances et son comportement en fonction de sa pensée
paralogique [c'est exactement ce que fit Mahomet, en permanence, afin de justifier les contradictions des "révélations d'Allah" au fil des ans]. De tels traits de personnalité
représentent les "tendances paranoïaques", la "constitution paranoïaque"
(MONTASSUT - GENIL-PERRIN), le "système paranoïaque" (RACAMIER), qui peuvent
constituer un mode d'être pour soi-même et pour les autres tout au long de
l'existence, (la plupart des paranoïaques ne délire jamais). L'élaboration
délirante lorsqu'elle survient chez le paranoïaque est le plus souvent lente et
insidieuse, à partir d'une intuition, d'un doute, d'une suspicion. Parfois
l'éclosion est beaucoup plus brutale et soudaine à l'occasion d'une
"révélation", d'une "inspiration" [Pour Mahomet, ce fut la survenue brutale d'une hallucination qui lui fit voir, et entendre, ce qu'il cru être l'ange Gabriel venu lui porter les ordres de Dieu, alors qu'il ne s'agissait qu'un banal dérèglement chimico-biologique d'une partie de son cerveau], d'un "pseudo-constat", après des événements
déclenchants, traumatiques (accidentels, chirurgicaux), émotionnels (deuils,
éloignement d'un proche), sexuels (rapprochement homosexuel) ; on a signalé
aussi qu'une circonstance vitale heureuse (mariage, promotion professionnelle,
naissance d'un enfant) pouvait être à l'occasion d'une décompensation
délirante.
IV.2. Les délires paranoïaques passionnels :
Il s'agit de délires "en secteur" procédant d'un postulat initial."Le malade
ne délire que dans le domaine de son désir". La participation affective y est
dominante, inflationniste, prenant le pas sur toutes les capacités de
raisonnement. La subjectivité du délirant passionnel commandée par une idée
prévalente réduit à néant toute objectivité : elle le conduit parfois de par
l'hypersthénie, l'exaltation et l'exacerbation du sentiment de frustration, à
des conduites extrêmes dont l'incidence médico-légale ne doit
pas être sous-estimée et impose alors les mesures de placement
administratif.
L'érotomanie ou délire érotomaniaque : plus fréquente chez
la femme que chez l'homme est "l'illusion délirante d'être aimée". G. DE
CLERAMBAULT a fourni des analyses sémiologiques et des descriptions exemplaires
de ce délire systématisé. C'est le plus souvent une femme qu'un homme qui, à un
regard, une intonation de voix ou n'importe quel autre indice émanant d'un tiers
(très généralement un personnage ayant un certain rang hiérarchique, une
certaine notoriété, une célébrité politique, artistique, mais aussi le médecin,
le confesseur), va avoir la conviction que ce tiers lui signifie son amour. Dès
lors, toute la vie idéo-affective va être subordonnée à l'activité délirante et
à son extension. - Une première phase, souvent très longue, d'espoir et d'attente voit se succéder les interventions et
poursuites incessantes (visites, coups de téléphone, lettres, cadeaux) auprès de
l'être aimé (objet) ; c'est lui qui s'est manifesté le premier, seule sa pudeur
et sa discrétion l'empêchent de se déclarer ouvertement. S'il est marié, son
mariage n'est pas valide et doit être annulé ; toute dérobade ou rebuffade est
considérée comme preuve supplémentaire d'amour ; ce sont les autres qui sont
responsables des obstacles rencontrés.
- A cette phase, succèdent celle du découragement et bientôt du dépit : loin d'être une déception ou une désillusion
amoureuse moroses ou languissantes, il s'agit d'un ressentiment d'où l'espoir
n'est pas exclu.
- La phase de rancune voit exploser les
invectives, les chantages et les menaces qui risquent toujours d'être suivis de
voies de fait contre l'objet aimé. Le médecin, assez facilement exposé aux
fixations érotomaniaques de certaines patientes, doit suffisamment s'inquiéter
lorsqu'il constate cette modalité relationnelle pathologique : nous lui
conseillons d'en parler à un confrère psychiatre.
Le délire de jalousie : plus fréquent chez l'homme que chez
la femme et souvent favorisé par un appoint éthylique, est également fondé sur
un postulat passionnel. La suspicion de l'infidélité du conjoint à partir d'un
geste, d'un regard, d'une poignée de mains jugés insolites mais signifiants pour
lui et une tierce personne, devient bientôt une conviction totale. Les
coïncidences deviennent des preuves irréfutables, les impossibilités matérielles
sont niées et le délit imaginé devient certitude inébranlable. Le sentiment de
frustration, de dépossession provoque des investigations multiples, des
enquêtes, des filatures : l'infidèle se trouve soumis aux interrogatoires
permanents, inlassables de jour et de nuit. Parfois, à bout d'arguments,
l'infortuné conjoint se résigne à "avouer", espérant un soulagement de
l'exacerbation passionnelle, une détente, quitte à ce que l'"aveu" soit
reconsidéré plus tard. Il faut signaler que le délirant jaloux repère souvent
dans l'entourage de son épouse des personnes complices dont la connivence permet
l'aménagement des "entrevues". Dirigé par une idée-force, "il faut que justice
se fasse", "il faut que l'honneur soit sauf", le délirant passionnel a une
potentialité agressive qu'il ne faut pas
sous-évaluer (crime passionnel).
Les délires de jalousie offrent très certainement les observations les plus
exemplaires de la dynamique pulsionnelle en cause dans la paranoïa. Pour
FREUD, les éléments persécutoires de cette organisation délirante représentent
une fuite face à des désirs homosexuels inconscients. Chez le délirant jaloux
s'observe une idéalisation amoureuse du rival : un tel amour homosexuel étant
interdit, il est tout à la fois nié, attribué par dérivation au conjoint
(projection) et transformé en affect qui autorise l'agressivité. La formule
classique : "je l'aime, cet être de mon sexe. Ce n'est pas lui que j'aime. C'est
elle qui l'aime" résume pour FREUD le mécanisme du délire de jalousie.
Les délires de revendication : ils sont fréquents,
essentiellement fondés sur des interprétations, reposant sur la conviction d'un
préjudice subi ; ils conduisent tôt ou tard les patients à déposer des plaintes,
à intenter des procès. Le sentiment de persécution mobilise l'hypersthénie, la
quérulence et l'agressivité, et fomente une seule idée : faire triompher la
vérité, réparer le préjudice subi, punir le ou les responsables.
Les quérulents processifs : affirment
qu'ils ont été lésés, que leurs biens ont été spoliés : ils multiplient les
procès, font appel, refusent toute conciliation, suspectent la corruption des
juges, la complicité ou la mauvaise foi des témoins. De nombreuses affaires
d'héritage, de querelles de voisinage à propos d'un mur mitoyen, de la cour
commune, du droit de passage dans un champ sont le fait de paranoïaques
revendiquants.
Les idéalistes passionnés : centrent leur délire sur une
idéologie mystique, sociale ou politique qu'ils veulent transmettre. Ils fondent
des associations, écrivent des pamphlets, lancent des diatribes. [c'est exactement ce que fit Mahomet en dictant, au gré de ses délires, ses diatribes qui furent consignées dans le coran, définissant ainsi une nouvelle religion totalitaire se mélant de tout] Quelques
orateurs du "SPEAKER'S CORNER" de HYDE PARK à Londres sont des réformateurs
fanatiques et missionnaires qui essaient à toutes forces de propager leurs idées
: toujours prêts à lutter voire à risquer leur vie, leur prosélytisme est
infatigable. [Exactement le portrait de Mahomet]
Les inventeurs méconnus : sont
convaincus d'avoir fait la découverte du siècle, cherchant par tous les moyens à
protéger leur invention et à la faire reconnaître. Comme ils échouent dans
l'obtention d'un brevet ou lorsqu'on leur dit que leur "trouvaille' n'en est pas
une, ils estiment être dépossédés, volés, expropriés.
Certains délires de filiation : sont à rattacher à ces
délires de revendication. Ils se fondent sur la conviction d'une ascendance
aristocratique, princière ou royale(faux-dauphin).
Le délire de revendication hypocondriaque : s'organise à
l'occasion d'une intervention chirurgicale ou de soins médicaux jugés
insatisfaisants. Le patient poursuit alors le médecin ou le chirurgien, rendu
responsable, de sa haine et de ses exigences de réparation.
La sinistrose délirante : après accident du travail ou
traumatisme de la voie publique : le malade réclame avec acharnement une
pension, un redressement du taux d'invalidité qu'il a obtenu et persécute de ses
récriminations et menaces les employés de la Sécurité Sociale, les avocats et
les médecins-experts ou contrôleurs : il multiplie les demandes de
contre-expertise et les procédures de recours, arguant avec autorité de
l'importance du handicap qu'il a subi du fait du traumatisme.
IV.3. Les délires d'interprétation systématisés :
Individualisés par SERIEUX et CAPGRAS en 19O9 et considérés par eux comme des
"folies raisonnantes", ils s'élaborent à partir d'interprétations délirantes :
une perception exacte, une sensation réelle sont immédiatement l'occasion de
raisonnements faux et de jugements viciés en raison d'inductions ou de
déductions erronées. Pour le malade tout acquiert une signification personnelle généralement péjorative :
l'aléatoire devient l'intentionnel, le subjectif prend le pas sur l'objectif, le
hasard est nié. La forme purement interprétative est exceptionnelle. En début
d'évolution, des hallucinations psychosensorielles ou à tout le moins des
illusions perceptives peuvent amorcer la construction du délire. Celui-ci va
ensuite s'étendre "en réseau" régulièrement alimenté par :
des interprétations exogènes qui se fondent sur des
perceptions sensorielles. Des indices d'hostilité, de témoignages malveillants,
de provocation vont se multiplier à partir de faits de la vie quotidienne : la
rencontre avec un aveugle signifie qu'il faut ouvrir les yeux, le klaxon d'une
ambulance veut dire que le patient va être victime d'un accident, l'information
radiophonique et télévisée est chargée d'un sous-message particulier ou plus
directement d'allusions déplaisantes ou d'avertissements. Les
mimiques et les gestes d'autrui sont eux-mêmes affectés d'une
intentionnalité particulière : un passant qui met la main à sa bouche veut dire
"boucle là" ou "tu pues du goulot", ceux qui portent des lunettes noires veulent
dire "tu es un hypocrite", certains sourires sont équivoques, etc.... Mais c'est
surtout le langage d'autrui, dans sa forme parlée ou écrite qui vectorise le
maximum d'allusions perfides, de sous-entendus, de dénonciations subtiles.
des interprétations endogènes qui s'appuient sur ces
sensations corporelles. Toute indisposition, tout malaise sont interprétés comme
la conséquence d'une influence extérieure nuisible (poison dans l'eau de
boisson, arsenic dans les aliments, soporifique dans le potage). Les propres
pensées du sujet ou ses rêves peuvent être sources d'interprétations.
Au total, tout est bon à l'interprétateur pour construire son délire.
Le mécanisme interprétatif prévalent organise dans la cohérence et l'ordre des
thèmes de persécution, de préjudices beaucoup plus souvent que de grandeur ou de
jalousie. Le sujet devient le point de mire d'un réseau machiavélique où se
concentrent les manigances et les malveillances du monde. Dans ce système le
délirant accumule les preuves, les arguments, les pseudo-justifications : sa
conviction est telle qu'il peut entraîner pendant un temps l'adhésion voire la
participation de son entourage. Parfois et dans la durée, le délire peut être
partagé à deux ou à
plusieurs membres d'une même famille : c'est le
trouble psychotique induit reconnu par le D.S.M. Un des intérêts de
cette situation clinique est qu'elle pose la question de la transmission et du
développement du délire. Très généralement, la communication du délire se fait
d'un sujet inducteur souvent paranoïaque, dominateur , convaincant, vers un
sujet (frère, sœur, jumeau, parent ou enfant) passif, soumis, dépendant. Le "
couple " délirant vit en intimité dans un système relationnel fermé et socialement isolé.
IV.4 Le délire de relation des sensitifs, de KRETSCHMER. Ce délire
survient chez des sujets présentant une personnalité prémorbide
de type sensitif (personnalité paranoïaque " de souhait ", comportant
une tendance à intériorisation des conflits, à l'auto-analyse, à l'autocritique,
une susceptibilité, une haute estime de soi-même, à se considérer comme jamais
suffisamment reconnu à sa juste valeur par les autres, tout en affichant une
certaine modestie). Sur cette personnalité surviennent des expériences vécues, entrant dans le cadre de conflits
éthiques, moraux, sexuels, ou de déconvenues professionnelles (humiliation,
promotion refusée, sanctions). Toutes ces situations ont pour caractéristique
commune de malmené l'idéal que le patient s'était fixé. Un troisième facteur
est constitué par le milieu dans lequel évoluent ces
sujets, c'est-à-dire l'isolement, le célibat , les exigences morales et les
ambitions malmenées. Le délire débute suite à un
événement déclenchant blessant : échec amoureux, humiliation, écart
professionnel. Les caractéristiques sensitives s'exacerbent, le patient devient
de plus en plus sensible au regard des autres, à leur comportement à son égard,
à leurs propos. S'installe alors un délire de référence : le patient interprète
les propos, les mimiques, de l'entourage dans lequel l'événement déclenchant
s'est produit comme étant malveillants, destinés à le vexer, à lui faire honte.
Le thème persécutif s'organise autour d'interprétations délirantes et du
sentiment de référence, tout tournant autour du patient. Il s'y associe des
thèmes dépressifs : auto-accusation, désespoir, culpabilité. L'événement
déclenchant, " la faute " reprochée, se présentent sans cesse à l'esprit du
sujet, qui est envahi, obsédé par ce point. Lorsque le délire évolue, les idées
de référence se développent, pour concerner de plus en plus de lieux ou de
personnes. Par exemple, un délire de relation ayant comme origine un problème
professionnel évoluera initialement dans le cadre professionnel, puis dans la
rue, où les passants " sauront " ce que le sujet a fait, puis la télévision, les
journaux, qui parleront du patient et de ses failles. Certaines formes évoluées
peuvent comporter des illusions ou des hallucinations auditives. L'évolution
des délires de relation des sensitifs est rarement chronique, ce qui leur
procure une place un peu à part parmi les délires chroniques non
schizophréniques. Des périodes délirantes peuvent cependant souvent se produire
à plusieurs reprises au cours de la vie du sujet, à l'occasion de différents
événements facilitant leur expression.
IV.5 Les psychoses hallucinatoires chroniques : Individualisées par
G. BALLET en 1912, elles acquièrent leur originalité clinique dans le groupe des
délires chroniques du fait de l'importance des mécanismes hallucinatoires. La
psychose hallucinatoire chronique apparaît plus tôt chez l'homme (3O à 4O ans)
que chez la femme (période ménopausique) ; la personnalité prémorbide est
souvent marquée par une émotivité importante, une réactivité exagérée aux
conflits inter-personnels, ou une schizoïdie. Un isolement social dû aux
circonstances ou déterminé par la personnalité est fréquemment constaté. Le
début est souvent brutal par la survenue :
- d'hallucinations auditives : audition de bruits
(craquements de planchers, pas, chocs dans le mur), de voix surtout, très
sensorialisées et localisables (elles viennent du plafond, des conduites d'eau,
de la fenêtre) dont la tonalité est plus ou moins reconnaissable [Mahomet identifia la voix qui lui dictait ses délires comme étant celle de l'ange Gabriel] (c'est une voix
d'homme, c'est la voix de la concierge, de la voisine, c'est un appel comme à la
radio). Leur contenu est souvent injurieux ("vache - garce - ordure -
pédéraste...."), accusateur ("voleur, assassin") ou menaçant ("on va te faire la
peau"). Il peut s'établir de véritables dialogues hallucinatoires, le patient
répondant à ses voix [Le premier délire hallucinatoire de Mahomet est un dialogue avec « l'ange Gabriel » dans une grotte]; parfois pour tenter de les neutraliser, il a recours à
des subterfuges : radio émettant en permanence à haut volume, obturation de tous
les orifices de la pièce, coton dans les oreilles.
- les hallucinations cénesthésiques sont
fréquentes : fourmillements, ondes, courants, attouchements voluptueux. [Mahomet eut, à plusieurs reprises lors de sa premiere hallucination, la sensation que l'ange l'enveloppait, l'étouffait puis le relachait]
- les hallucinations olfactives sont plus rares :
odeur de gaz, d'œuf pourri, de pétrole, d'encens.
- l'automatisme mental est constant, mécanisant
la pensée, entravant l'intimité idéo-affective ; écho de la pensée qui apparaît
doublée, répercutée, écho de la lecture et de l'écriture plus rares ; vol et
devinement de la pensée ("tout le monde sait ce que je pense", " plus rien n'est
à moi") ; commentaires des actes ("tout ce que je fais est répété, critiqué").
Souvent s'organise un véritable syndrome d'influence, le délirant étant soumis
aux ordres et commandements de ces voix psychiques et acoustico-verbales qui lui
imposent ses idées, ses choix, ses actes. Dans ce contexte, les réactions
pathologiques sont fréquentes : déménagements, fugues, plaintes à la police,
construction d'appareils pour lutter contre les courants magnétiques ou les gaz
toxiques et aussi réactions agressives, menaces, insultes, voies de fait contre
les responsables supposés. Progressivement, la psychose hallucinatoire
chronique se structure autour des thèmes de persécution [Mahomet fut obligé de fuir la ville de La Mecque car les mecquois, à bout de patience devant ses délires agressifs qui duraient depuis maintenant plusieurs années, avaient décidé de l'assassiner. Ceci fut interprété comme une persécution, alors qu'il ne s'agissait que d'une réaction normale de gens qui se défendaient contre un fou dangereux à une époque où les médicaments soignant les hallucinations n'existaient pas.] mais aussi de grandeur,
de jalousie [Le coran contient des « révélations d'Allah » qui concernent directement, et uniquement, les déboires conjuguaux de Mahomet. Ces révélations, comme toutes celles du coran en ce qui concerne les femmes, sont symptomatiques de la jalousie maladive de Mahomet. Le plus connu, et le plus visible, de ces symptomes d'homme jaloux, est le voile que doivent porter les musulmanes.] : l'élaboration délirante, édifiée à partir des données
hallucinatoires est l'occasion de rationalisations (par le biais
d'interprétations et d'explications secondaires) ou d'une extension par
incorporation d'éléments imaginatifs [Un élément imaginaire incorporé par Mahomet est la construction de la Kaaba par Adam.]. Actuellement, l'évolution traitée permet
généralement l'extinction des phénomènes hallucinatoires et la mise à distance
ou l'enkystement du noyau délirant. Dans certains cas, s'instaure une sorte de
complicité entre le délirant et ses interlocuteurs devenus "partenaires"
familiers sinon intimes [Ce fut le cas, par exemple, avec le fils adoptif de Mahomet qui trouvait la femme de son fils tout à fait à son goût, comme un banal vieux saligaud. Comme par hasard, une révélation d'Allah déclara solennellement à Mahomet que l'on pouvait épouser la femme divorcée d'un fils adoptif. La ficelle était grosse comme un pipe-line mais le fils adoptif fit semblant de croire en une véritable révélation d'Allah. Il divorca d'avec sa femme et Mahomet put l'épouser afin de se la troncher sans vergogne selon l'ordre d'Allah. De même, une autre épouse de Mahomet, Aîcha (que Mahomet, prophète de la pédophilie, avait épousée alors qu'elle n'avait que six ans), lui fit un jour remarquer que les révélations d'Allah arrivaient toujours au moment opportun. Mais quand une autre révélation d'Allah la déclara innocente d'une accusation d'adultère, elle ferma son claque-merde et gueula sa foi dans les révélations d'Allah et de Mahomet son prophète comme n'importe quelle connasse foulardisée.], cet aménagement étant souvent compatible avec la
poursuite d'une adaptation socioprofessionnelle.
IV.6. Les paraphrénies
Ces délires chroniques à mécanisme imaginatif, plus rarement hallucinatoire,
sont très rares. Les thèmes sont mégalomaniaques, cosmiques, mystiques,
fantastiques. Les sujets conservent une insertion sociale, ce d'autant qu'ils
n'expriment leurs idées délirantes qu'à un entourage choisi. Une composante de
subexcitation chronique est possible. Ces patients n'ont guère de raisons de
consulter et sont donc peu vus par les médecins. Un grand nombre de ces
délirants chroniques correspond à l'évolution de schizophrénies paranoïdes, où
la composante dissociative est minime, voire a " cicatrisé " avec le temps.
Le traitement neuroleptique est réputé peu actif, sauf pour limiter la composante expansive.
V. L'EVOLUTION DES SYNDROMES DELIRANTS CHRONIQUES
Les thérapeutiques actuelles, en associant la chimiothérapie et l'abord
psychodynamique, permettent d'observer des évolutions sensiblement différentes
de celles classiquement décrites (organisations monolithiques et fixées,
chronicisation dans des états où le "travail délirant" aboutit à une exclusion
totale et définitive du groupe social, asilisation).
Certains modes évolutifs ont déjà été évoqués lors de la description des
principales formes cliniques; nous nous contenterons de schématiser "l'histoire
d'un délire chronique".
La période d'invasion peut être brutale, soit sous forme d'une "expérience délirante
primaire" où s'exprime le bouleversement des relations objectales et
l'effondrement du système de références à la réalité [Ce fut le cas de Mahomet qui eu soudainement une hallucination qui lui fit voir et entendre ce qu'il crut être l'ange Gabriel envoyé par Dieu.], soit sous forme de "délire
d'emblée" chez le passionnel. La période d'invasion peut être progressive étalée sur plusieurs mois : phase de doute, de
perplexité, d'interrogations, d'irritabilité, de méfiance, de troubles du
sommeil. Les suppositions, les supputations, les surveillances, la lecture
d'ouvrages spécialisés à la recherche d'explications scientifiques précèdent le
moment où la conviction et l'évidence s'imposent.
C'est à ce stade que l'intervention thérapeutique sera la
plus efficace. On peut espérer réduire la superstructure délirante et les productions
hallucinatoires. Cependant, si l'on se souvient que le délire résulte
d'un compromis qui concilie les rapports du sujet avec lui-même, avec les autres
et avec la réalité extérieure, on ne sera pas surpris qu'il faille compter
souvent avec le déséquilibre qu'entraîne chez le sujet la privation des
symptômes. La survenue d'épisodes dépressifs, le
risque de raptus suicidaires doivent être
appréhendés et prévenus suffisamment tôt.
L'évolution des délires chroniques sous
traitement, se fait en général vers la mise à distance ,
l'enkystement du délire, plus souvent que vers la critique totale et définitive.
Des rebonds et des résurgences des manifestations interprétatives ou
hallucinatoires sont possibles, ainsi que des "moments féconds" d'enrichissement
du délire plus ou moins contemporains de périodes dépressives ou
expansives. Reste un contingent de délires chroniques paranoïaques, à
dimension passionnelle inébranlable, très peu accessible aux chimiothérapies
neuroleptiques autant qu'à l'abord psychothérapique. Il impose des
hospitalisations très prolongées voire définitives dans les services psychiatriques fermés.
VI.TRAITEMENT
Les modalités thérapeutiques nouvelles ont modifié l'évolution et le
pronostic des délires chroniques. Les chimiothérapies neuroleptiques constituent
l'axe fondamental du traitement, permettant l'aménagement de la relation
psychothérapique.
VI.1. Les délires paranoïaques passionnels :
Ils posent de réels problèmes de responsabilité médicale en raison de la
dangerosité de ces délirants en période d'exaltation
menaçante [Mahomet fut un fou particulièrement dangereux. Non seulement il fit assassiner des milliers de personnes mais encore de nos jours il y a des gens dangereux qui voient en lui un modèle à suivre.]. Lorsque la polarisation jalouse ou revendicante atteint le stade des
réactions hostiles et des passages à l'acte, une intervention psychiatrique et
des décisions médico-légales sont urgentes. Obtenir l'assentiment du paranoïaque
délirant pour une hospitalisation est souvent très difficile. Une attitude ferme
et déterminée est préférable aux atermoiements et discussions qui ne peuvent
aboutir. Il ne faut pas se contenter de demi-mesures, se satisfaire de vagues
promesses et prescrire un "petit traitement". On peut être amené à décider un
internement dans un établissement régi par la Loi du
27/06/1990. Le mode de placement à privilégier est celui de l'hospitalisation d'office, qui fait intervenir la loi et
l'autorité (arrêté préfectoral, demande du maire), qui sont parfois les seules
instances par lesquelles le paranoïaque délirant puisse accepter de se voir
imposer quelque chose. L'hospitalisation sur demande d'un tiers est à éviter, le
tiers signataire se voyant volontiers menacer ou poursuivre par le patient après
sa sortie. Si le malade délirant désigne spécifiquement un persécuteur [Mahomet désigna les juifs comme ses persécuteurs après que les juifs, lassés de ses délires, aient souhaité qu'il se fasse botter le cul une bonne fois pour toutes. Le coran est rempli de violentes déclarations anti-juives et Mahomet ne se privait pas d'en faire allègrement assassiner plusieurs centaines quand l'envie lui en prenait.] (la
personne avec qui son conjoint le trompe, l'objet d'une érotomanie, …), il est
impératif de considérer avant tout que la personne désignée est en danger. Des
menaces précises et " personnalisées ", chez un sujet sthénique, ayant un plan
d'action contre un persécuteur désigné, imposent
l'hospitalisation d'office. Le placement psychiatrique dans des conditions
légales permet ensuite d'articuler la double nécessité d'une chimiothérapie et
d'une psychothérapie.
Les neuroleptiques peuvent tous être utilisés, en
choisissant une molécule sédative (LARGACTIL, NOZINAN, NEULEPTIL), généralement
associée à un neuroleptique majeur (MODITEN, TERFLUZINE, HALDOL), dont l'action
réductrice des principaux symptômes psychotiques (troubles du sommeil,
exaltation délirante) est plus globale. Le choix d'une spécialité comme les
doses utilisées dépendent certes de préférences et habitudes personnelles, mais
aussi du moment évolutif, de la réactivité du patient et de sa tolérance. La
nécessité de poursuivre une chimiothérapie continue rend très utile la
prescription d'un neuroleptique à action prolongée (Esters du MODITEN et du
PIPORTIL), souvent mieux accepté de par son caractère symbolique de rituel
thérapeutique qu'une prescription journalière.
La réduction du délire, créant une amputation de tout ou partie du mode
habituel de penser et de vivre peut favoriser la survenue d'épisodes dépressifs qu'il faut traiter. La situation
fondamentalement nouvelle créée par la privation du pôle persécutif de la
personnalité doit être prise en compte dans la relation
psychothérapique : il ne s'agit pas d'envisager une cure
psychanalytique mais bien plutôt de permettre au patient d'exprimer ses conflits
affectifs. Pour le thérapeute la question est de moduler la distance à établir avec le paranoïaque dont l'imaginaire
s'inquiète de toute rapprochement excessif (menace de réalisation homosexuelle,
menace de destruction), comme de tout éloignement interprété comme rejet.
Le délire de relation des sensitifs, dont on a vu
la composante dépressive et d'effondrement narcissique, répond bien aux
traitements antidépresseurs, en particulier tricycliques. Le délire s'amende
sous l'effet de l'antidépresseur, et l'adjonction d'un neuroleptique
antidélirant est rarement indispensable.
VI.2. Les psychoses hallucinatoires chroniques :
Le neuroleptique de choix est l'HALDOL dont est
connue l'activité hallucinolytique [qui supprime les hallucinations]. A la phase d'efflorescence de la maladie,
lorsque dominent l'automatisme mental et les hallucinations psychosensorielles,
cette butyrophénone sera prescrite par voie intra-musculaire (1O à 15 mg par
jour) relayée ensuite par une administration orale. L'Orap est également
intéressant. Les neuroleptiques dits atypiques récents pourraient représenter
une alternative intéressante chez des sujets âgés tolérant mal les effets
extrapyramidaux des produits classiques. L'extinction des hallucinations ne
résout pas tous les problèmes. Ces malades narcissiques, dont les intérêts sont
restreints, dont les relations interpersonnelles sont pauvres et précaires
réagissent souvent à la privation du délire par des épisodes déficitaires ou
dépressifs, où dominent les sentiments d'ennui, d'incapacité, de dévalorisation
; les interruptions de traitement sont fréquentes chez ces patients qui
supportent mal la contrainte d'une neuroleptisation continue avec les
inconvénients secondaires que celle-ci entraîne parfois. Mieux vaut souvent
consentir à des réductions symptomatiques partielles compatibles avec la
poursuite d'une certaine vie sociale plutôt que de risquer des décompensations
par impossibilité pour le sujet d'atteindre d'autres ajustements.
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