Le secret des mille et une nuits

Le secret des mille et une nuits, recto Le secret des mille et une nuits, verso

"Le secret des mille et une nuits" a été publié par Michel Gall aux éditions Robert Laffont en 1972.

Extrait :
3. Mahomet et les djinns
Lorsque Mahomet composa le Coran, les djinns, qui grouillaient partout, n'étaient pas les seules divinités craintes par les habitants de la péninsule arabique. Ceux-ci avaient élu parmi eux de grands chefs de file. Ils leur avaient imaginé un rang supérieur et les idolâtraient. Il y a Althatar, dieu des étoiles, Sin, dieu de la lune, Dhât-Hîmyan, dieu du soleil. Et toute l'Arabie était remplie de bétyles (ce nom, du grec baitulos, maison du Seigneur, désigne une pierre sacrée considérée comme la demeure d'un dieu) et d'idoles servant à des cultes aujourd'hui oubliés...
Mahomet, prêchant le monothéisme, s'attaqua à ces grandes divinités, ces pierres, ces idoles. Dans la nouvelle religion, afin de ne pas trop choquer les nouveaux adhérents, il garda seulement la plus importante des bétyles, la fameuse K'aba de La Mecque, qui était adorée de très longue date. L'origine du culte rendu à cette mystérieuse pierre noire dont la base est ronde et le haut carré nous est inconnue ; nous savons seulement qu'au VIe siècle après Jésus-Christ, elle formait le centre d'un important complexe religieux : les Mecquois avaient rassemblé autour d'elle les idoles de trois cent deux dieux et esprits dont, entre autres, les noms de Allat, Manat, Uzza et Hobal, qui décidaient du sort des humains, sont parvenus jusqu'à nous.
Toutes ces idoles, Mahomet les fit briser à coups de masse, en mille morceaux. Sauf, nous dit la tradition, une statue de la vierge Marie, échouée dans ce dépotoir de dieux.
Mais curieusement, Mahomet ne s'attaqua pas aux djinns. Peut-être ne les jugeait-il pas dangereux? Ou prudemment, ne voulut-il pas enlever à ses frères leurs dieux lares [protecteurs du foyers], leurs compagnons de tous les jours? Ou fut-ce un souci poétique (on sait que Mahomet adorait la poésie) : il ne pouvait s'attaquer à des êtres aussi farfelus, aussi primesautiers, aussi touchants que les djinns.
Quoi qu'il en soit, dans les textes qui soutenaient la nouvelle religion, dans plusieurs sourates du Coran, il mentionna les djinns. Un hadith raconte : peu avant l'Hégire, au début de son expérience mystique, Mahomet est seul dans le désert. La nuit est tombée, glaciale. Le prophète médite auprès d'un maigre feu. Les djinns ne sont pas des esprits éthérés : ils peuvent souffrir, et, comme les humains, avoir trop chaud ou trop froid. Cette nuit-là, une bande de djinns frileux vient entourer le feu de Mahomet.
Celui-ci lève les yeux de la danse des flammes qu'il contemple. Il les aperçoit, de tous côtés. Il ne s'émeut pas. Très simplement, il leur adresse la parole. Il leur parle des vérités qu'il a découvert dans le désert, de la nouvelle loi qu'Allah lui a inspirée. Les djinns, bien sagement, écoutent.
La conversation de Mahomet devient un sermon. Les djinns, séduits par la nouvelle religion, les uns après les autres se convertissent...
Cette jolie histoire donne la mesure des djinns :
ils sont toujours prêts à tout. Ils n'ont pas le snobisme hautain de certaines fées des contes européens.
C'est peut-être pourquoi, ayant réussi à être adoptés par Mahomet, ils sont toujours restés populaires chez les Arabes. Nous les retrouvons ainsi dans la Da'wah, une méthode d'invocation secrète mais licite en Islam, qui se fonde sur une théologie symbolique des vingt-cinq lettres de l'alphabet arabe, chacune de ces lettres représentant un djinn. La Da'wah serait encore pratiquée de nos jours et les djinns encore invoqués. Mais la complication extrême de la méthode la réserve à de rares initiés.

Note :
On constate que jusqu'au début des années 70, les auteurs n'ont aucune crainte à présenter l'islam pour ce qu'il est : une création de Mahomet. Mahomet est pour sa part présenté comme le simple créateur d'une nouvelle religion, monothéiste, soucieux de ménager ses contemporains, intégrant à la nouvelle religion qu'il veut créer des éléments anciens par simple souci de séduction. Quant au Coran, il est présenté comme une création de Mahomet.
Mais durant la décennie 70 la dépendance accrue vis à vis du pétrole va amener un changement de discours chez les occidentaux.