![]() |
A propos de la « Kaba » et de sa « pierre noire »La « kaba » (ou kaaba, ka'aba... littéralement : « le cube »), petit édifice cubique au centre de la mosquée de La Mecque, en arabie Saoudite, constitue le « Saint des Saints » de lislam. Or, ce sanctuaire na rien de spécifiquement musulman puisquil sagit dun temple érigé bien avant linvention du culte musulman par Mahomet. Il
existe dailleurs toute une série de légendes qui
se rattachent à la kaba. Evidemment, il ny a rien de censé dans toutes ces faribolles. Le coran, pour sa part, énonce quAbraham et son fils Ismaël auraient entrepris, après le Déluge, la construction de la kaba sur lemplacement de la « maison de dieu ». L'édifice gagnant en hauteur, Abraham aurait été obligé de monter sur une grosse pierre pour poursuivre son « uvre ». Cest cette pierre, nommée « station dAbraham », qui se trouve sous une petite coupole située face à la kaba. Abraham ordonna le pèlerinage à la kaba et chargea son fils Ismaël, ancêtre mythique des Arabes, de veiller sur le temple. Ils creusèrent ensemble un puit pour que les pèlerins y déposent leurs offrandes. On voit que lexplication du coran est toute aussi biscornue que les trois autres. Rien d'historique dans tout cela. La kaba nen demeure pas moins un temple païen qui perpétue le culte des pierres et de la lune qui fut jadis en faveur auprès des bédouins dArabie. La pierre noire na rien de « divin » et son culte relève de lidolâtrie, tout comme celui de cette autre pierre quest la « station dAbraham ». Le pèlerinage musulman ne se limite dailleurs pas à la visite de la mosquée de La Mekke. Cest un rite relativement compliqué, avec toute sa cohorte d « obligations » et d « interdictions ». Cest ainsi que le pèlerin doit se débarrasser de ses vêtements habituels pour arborer l « irham » (ne pas confondre avec Hiram, personnage mythique cher aux Francs-Maçons), un vêtement blanc fait dune seule pièce de tissu. Il doit, à partir de ce moment là, sabstenir de se couper les cheveux et les ongles, de pratiquer la chasse, de se marier, davoir des rapports sexuels,etc Le grand rituel du hajj commence par un rassemblement des pèlerins au mont Arafat, le 9 Dhu el Hijja (avant-dernier mois de lannée islamique). Après avoir campé la nuit à Muzdalifa, le cortège se dirige vers Mina pour la circumambulation. Avant de pénétrer dans les « lieux saints », le pèlerin fait ses ablutions (il se lave complètement le corps) et il implore le pardon dAllah. Il ira alors tourner sept fois (chiffre magique des Hébreux et des Arabes) autour de la Kaba, soit sept fois un parcours de 33 mètres (autre nombre magique que lon retrouve aussi chez les chrétiens). Puis il se prosterne deux fois et récite les prières rituelles. Mais ce nest pas fini. Il doit encore se rendre à Cafa doù il se retourne vers la kaba pour exprimer le souhait de pouvoir encore en faire sept fois le tour. Puis il gagne la butte Marwa en faisant une partie du trajet au pas de course ( ?). Le rituel du hajj veut que le pèlerin aille quatre fois de Cafa à Marwa et trois fois de Marwa à Cafa (encore le chiffre 7). Enfin, cest le retour à Mina où les pèlerins séjournent généralement deux ou trois jours avant de rentrer chez eux. Notons quil existe un autre pèlerinage nommé « omra ». Il saccomplit à titre individuel à nimporte quelle période de lannée (tandis que le hajj se déroule obligatoire lors de la « fête du sacrifice » : « Eid el-Adha »). Le rituel de lomra se limite à la circumambulation et aux parcours entre Cafa et Marwa. Il nexempte pas du « grand pèlerinage ». Il existe différentes explications pour justifier ce rituel compliqué qui relève tout autant de la superstition et de la magie que de la religion. On trouvera ces explications dans un ouvrage intitulé« Les Pèlerins » (de Mohamed Hamidullah qui se réfère essentiellement à lauteur classique Al-Ghazali Editions du Seuil 1960). Létymologie du mot « kaba » est typique de lArabie du Sud. Elle est très certainement yéménite. Ce terme désigne un temple mais, de façon plus générale, un édifice cubique et même une maison ou une chambre de forme carrée. Une kaba était, le plus souvent, une chambre haute de forme carrée et ce nest que par la suite que ce mot pris le sens restrictif de « temple ». Il est curieux de noter que ce mot ressemble fort à « kaahba », un terme arabe contemporain qui désigne une femme qui se donne à tous les hommes, autrement dit une putain ! Quand un Arabe part de chez lui pour aller faire le tour de la kaba, on peut se demander sil ne va pas plus tôt tourner autour de la kaahba du coin ! Nous ignorons, par ailleurs, sil existe une relation entre les mots kaba et caba ret ou encore avec le panier que nos ménagères utilisent pour faire leurs courses. Plus sérieusement, il pourrait exister une certaine relation entre le mot kaba et le mot « kabbale ». Quoi quil en soit, la kaba se présente sous laspect dun petit édifice cubique situé au centre du « Masjid al-Haram », la grande mosquée de La Mekke. A proximité de lunique porte daccès, on trouve la pierre noire qui a été enchâssée dans lun des angles. A lintérieur, la pièce est vide. Le plafond est supporté par trois piliers de bois et les murs sont recouverts de sourates. Dans un angle, un escalier étroit permet daccéder à la terrasse. On lemprunte une fois par an pour changer la « kiswa », ce voile de soie noire qui recouvre les murs extérieurs et confère à la kaba son aspect sinistre. La porte de la kaba souvre trois fois par an pour permettre de laver le plancher avec de leau puisée à la source de Zamzam (celle qui est supposée avoir été découverte par le grand-père de Mahomet). Lespace denviron un mètre séparant la porte de la pierre noire est nommé « multazam ». Les quatre coins du temple portent aussi des noms ; angle de la pierre, angle de lIraq, angle de Syrie et angle du Yémen.
On distingue la Kaba à
lavant-plan. A lépoque, elle était
curieusement entourée de petits bâtiments et de
palissades de facture extrême orientale (genre pagode). A
larrière, la ville de La Mekke et le vieux fortin
implanté sur une colline voisine. Une photo (vers 1920) confirme cette gravure.
Vers 1800, lorsque les wahhabites reprirent La Mekke aux forces ottomanes, ils saccagèrent la kaba et foulèrent la pierre noire de leurs pieds. Les mêmes wahhabites qui dirigent aujourdhui lArabie saoudite et se posent en « protecteurs des lieux saints de lislam » avaient aussi profané et détruit le tombeau de Mahomet à Médine ainsi que les « lieux saints » chiites de Kerbala.
Dans les oasis du Nedjd, patrie des Séoud et du wahhabisme, on avait adoré lidole des Benou Rabia avant que Mahomet ne se mette à prôner le monothéisme. Dabord adorée dans le temple de Rodha, cette idole des bédouins du Nedjd avait ensuite été transportée dans la kaba de La Mekke. Un peu partout, dans les pays islamisés, on trouve trace des anciennes pratiques religieuses pour peu que lon soit observateur. Outre la kaba et sa pierre noire, on observe que les Touaregs ont conservé de nombreuses superstitions préislamiques. Comme la plupart des Arabes et des Maghrébins, ils croient aux « mauvais génies » mais, pour les conjurer, ils ont recours à des fétiches, tout comme les habitants de lAfrique noire. Au début du XXe siècle, les Massalis dAfrique centrale, bien que théoriquement islamisés, pratiquaient encore le cannibalisme rituel. A Java, les pratiques animistes préislamiques sont encore vivaces. Cest ainsi que les musulmans de Java continuent à vénérer des arbres fétiches et des représentations de la figure humaine selon la mode hindouiste. En Inde, des musulmans honorent les vaches sacrées et divers autres animaux, comme les Hindous. Lislam a, par ailleurs, assimilé de nombreux mythes païens : le culte antique du tonnerre et des éclairs se retrouve dans la légende chiite dAli, le mythe solaire greco-romain se retrouve dans la légende dHossein, fils dAli, etc... La Kaaba, centre du monde musulman, montre surtout que la copie et l'appropriation sont au coeur de la religion musulmane : copie du judaïsme via Abraham, appropriation des éléments cultuels et culturels propres aux religions « idolâtres » via le fétiche de la « Pierre Noire ».
|