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n°497 de l'hebdomadaire NOSTRA du 15 au 21 octobre 1981

Cet article paru dans le n°497 de l'hebdomadaire NOSTRA du 15 au 21 octobre 1981 illustre bien le fossé qui existe entre les réalités du monde arabo-musulman et la perception qu'en ont les occidentaux. On sera surpris à la lecture de cet article de constater la pertinence de l'analyse.
Or, dans quelle revue est paru cet article ? Dans un canard ésotérique folklorique qui n'hésite pas a mélanger une excellente analyse de la montée de l'islam dans le monde Arabe avec d'autre articles pour le moins douteux sur les OVNI, les sociétés secrètes, le paranormal etc... Car en 1981, l'islam dans le monde arabe était un sujet que le grand public considérait comme tout aussi "sérieux" que les soucoupes volantes en visite sur notre planète...
On mesure le gouffre prodigieux de méconnaissance des musulmans par les occidentaux quand on voit qu'il y a vingt ans l'existence des adeptes de Mahomet était quasiment considérée comme relevant du même mythe que les martiens !

Plus de vingt ans plus tard, c'est toujours dans un canard ésotérique folklorique que l'on trouvera un excellent article sur les liens historiques entre nazisme et islamisme.

SADATE victime du fanatisme religieux

Le portrait officiel du rais Anouar El Sadate : toute une vie consacrée à la paix qui s'achève dans le sang et la violence.

« Les hommes de paix attirent la violence, mais je suis un croyant et si Je suis tué ce sera un grand honneur pour moi car ce sera la reconnaissance de mon action pour mettre fin à la guerre. »

Paroles prophétiques que cette confidence, à la fois humble et orgueilleuse, faite récemment par le président Sadate à l'un de nos confrères. Et qui manifeste la fidélité indéracinable à sa foi de cet homme du Sud, portant au front comme des stigmates, le zebida, littéralement le « raisin sec », cette callosité révélant le vrai croyant, celui qui se prosterne le visage à terre cinq fois par jour pour les prières rituelles.

Anouar el-Sadate est donc mort le 6 octobre, victime d'un attentat perpétré par des soldats au cours d'un grand défilé militaire commémorant la guerre du Ramadan de 1973. Mais lui-même savait, depuis ce jour de novembre 1977 où, dans un effort désespéré pour mettre fin à un conflit presque trentenaire, il avait pris la décision de se rendre à Jérusalem, initiative qui étonna alors le monde entier et devait lui valoir le prix Nobel de la paix, qu'il était un mort en sursis. Pour le Front du refus, qui rassemble l'Algérie, la Libye, la Syrie, le Sud-Yémen et l'Organisation de libération de la Palestine, le raïs était en effet devenu le traître à l'islam, un chien à abattre.

En septembre dernier, le président Sadate avait décidé de juguler ses oppositions intérieures, de droite comme de gauche, en frappant un grand coup, destituant le pape copte et arrêtant plus d un millier de responsables confessionnels ou politiques, parmi lesquels le porte-parole de la confrérie des Frères musulmans (voir Nostra n° 495 du 1er octobre dernier). Cette purge, pour non violente qu'elle fut, lui fut reprochée en Europe par ceux qui y voyaient une violation des principes démocratiques. La mort du raïs prouve cependant qu'il n'avait pas tort de se méfier des fanatiques de tout bord.

A l'heure où nous écrivons ces lignes, nul ne sait encore à quel groupe appartenaient les meurtriers ni si le successeur que le président Sadate s'était lui-même désigné, le général Hosni Moubarak, parviendra à maintenir la barrie. Nul ne sait si les jusqu'au-boutistes enflammés par les invectives du colonel Kadhafi parviendront à déstabiliser l'Egypte, mais il est néanmoins sûr que le président Sadate a été victime du climat fanatique suscité par le réveil de l'intégrisme musulman non seulement sur les bords du Nil, mais dans l'ensemble du monde arabe (1). C'est de cet arrière-plan politico-religieux que nous désirons brosser ici un panorama, fût-il sommaire.

C'est tout le monde arabe qui est menacé par le réveil de l'islam

L'attentat contre Sadateles Frères musulmansle roi Fayçal qui a, lui aussi, été victime du fanatisme religieux.
L'attentat contre Sadate (à gauche) a-t-il été organisé par les Frères musulmans (au centre) ? A droite : le roi Fayçal qui a, lui aussi, été victime du fanatisme religieux.
Anouar El Sadate, un homme profondément pieux, courageux qui savait que son action pour la paix en faisait un mort en sursis.

Un événement survenu récemment en Algérie, presque passé inaperçu, illustre bien ce climat. Les membres d'une confrérie intégriste dirigée par un jeune professeur de sciences, Saïd Sayah, avaient réussi à occuper une mosquée de Laghouat, ville des hauts plateaux située à 350 km au sud d'Alger, et avaient chassé l'imam officiel nommé par le ministère des Affaires religieuses. Les autorités procédèrent alors à l'arrestation de Saïd Sayah, qui était en outre déserteur du service national, mais ses disciples se retranchèrent dans la mosquée et lancèrent, du haut du minaret, des appels à la guerre sainte. Lorsque, après de nombreux pourparlers infructueux, les forces de l'ordre donnèrent l'assaut à l'édifice, un policier fut tué d'un coup de poignard. Même s'ils n'entraînent pas toujours mort d'homme, de tels incidents ne sont pas rares en Algérie depuis quelques années : raids de commando contre les débits de boissons servant de l'alcool, contre les femmes portant des vêtements « indécents », c'est-à-dire simplement vêtues à la mode occidentale, etc. En janvier 1980, des intégristes avaient même tenté de lapider les pensionnaires d'une maison close d'EI-Oued, près de la frontière tunisienne.

Derrière tous ces incidents se dessine l'ombre des Frères musulmans, le « Ku Klux Klan de l'islam », qui commence à inquiéter de nombreux Algériens, d'autant plus que la rumeur publique amplifie la puissance de cette organisation secrète, multiforme et sans visage.

Et quand, après les incidents de Laghouat, les membres du Conseil supérieur islamique ont dénoncé « tout comportement issu d'une fausse compréhension de l'islam utilisé comme moyen pour répandre une fausse croyance, imposer un faux leadership, susciter des groupes dévastateurs et violer les lieux saints », de nombreux Algériens ont compris que cette mise en garde s'adressait en fait à la « sainte confrérie ».

De même, lors du récent voyage de M. François Mitterrand en Arabie Saoudite, on a peu parlé de certains retards du programme officiel, dus à la mutinerie de deux mille Jraniens chiites en pèlerinage à Médine. Ces troubles furent vite réprimés, mais on se souvient des incidents beaucoup plus graves de novembre 1979, lorsqu'un commando armé de six cents hommes, sous les ordres du fanatique Juhay-mane AI-Oteiba, avait pris d'assaut la Grande Mosquée de La Mecque, le lieu le plus sacré de l'islam, s'y enfermant avec des otages et annonçant l'arrivée d'un nouveau Mahdi, le messie des temps derniers.

Cette Arabie Saoudite, si prospère puisque depuis la crise pétrolière elle est devenue l'un des pays les plus riches du monde et apparemment soudée autour de la famille royale, terre d'élection du wahhabisme, la secte musulmane la plus rigoureuse et la plus hostile au modernisme des idées, avait été déchirée en 1929 par une sanglante rébellion contre le roi Abdel Aziz ibn Saoud, menée par les adeptes d'Aï Ikwa bil Islam (« la Fraternité dans l'islam »).

On avait cru ce courant sectaire disparu à jamais. Or, à la surprise générale, il a réussi à renaître, presque aussi fort que jadis. De plus, il a influencé des élites du pays, formées dans des universités occidentales qui, revenues au pays, se sont empressées de rejeter l'influence occidentale pour prêcher un retour à l'islam pur et dur.

Ainsi, il y a dix ans, le prince Khaled Ben Moussaed Ben Abdel Aziz, le propre neveu du roi Fayçal, élevé à l'occidentale, a tenté d'occuper les locaux de la télévision de Riyad, accusant « cette invention maléfique de porter atteinte aux enseignements du Coran ». Coup de folie d'un prince à l'esprit dérangé, telle est la version que tenta d'accréditer la famille royale. Mais, le 25 mars 1975, c'est le propre frère de Khaled Ben Moussaed (trouvé mort chez lui dans des conditions mystérieuses peu après son action contre la télé), Fayçal Ben Moussaed Ben Aziz, qui assassine son oncle, le roi Fayçal. Là aussi on parla officiellement de folie.

En Jordanie, le parti Tahrir (parti de la libération), prônant le retour à l'intégrisme et encore plus sectaire que les Frères musulmans, dont le chef jordanien, Mohammed Abdel Rahman Khalife, s'est déclaré hostile à la violence, a réussi à influencer des personnalités influentes du régime hachémite malgré les efforts du roi Hussein.

En Syrie, les Frères musulmans ont marqué de leur empreinte des groupements extrémistes comme les Moujaheddines islamiques, les Phalanges du droit et le parti Jihad (guerre sainte), même si, sur le plan politique, leurs positions divergent parfois.

Les Frères musulmans s'opposent en outre violemment à la minorité alaouite, issue du chiisme, qu'ils accusent de monopoliser le pouvoir au détriment de la majorité sunnite. Le président Hafez el-Assad, lui-même alaouite, a jusqu'à présent réussi à échapper aux balles des tueurs lancés contre lui, mais plusieurs de ses proches en ont été victimes. Ces affrontements prennent parfois un tour sanglant, comme en juin 1979, lorsqu'un commando de la sainte confrérie a massacré trente-deux cadets de l'académie militaire d'Alep.

C'est dans ce contexte que le président Sadate avait à se débattre. L'Egypte, qui connaît une démographie galopante et qui est sous-équipée, a une économie précaire. Mettre fin à la guerre, c'était pour le raïs non seulement gagner cette paix qu'il désirait ardemment, mais aussi l'occasion de consacrer toutes les ressources du pays au développement économique. Toutefois, un tel effort ne se fait pas en un jour. d'où les nombreux mécontentements canalisés par les groupements extrémistes. A la droite religieuse qui l'accusait jadis de pactiser avec le communisme athée avait succédé une gauche le vouant aux gémonies pour son alliance avec le diabolique oncle Sam.

Et, parmi les plus hostiles, les Frères musulmans n'étaient pas les seuls. La confrérie Al Tafkir Wal Hegra (Anathème et retraite), dont les adeptes ont parfois été qualifiés de hippies de l'islam, préconisait une sorte d'exil intérieur, c'est-à-dire l'abandon de la société civile, de la famille même, pour recréer, hors des villes, «à l'abri de la société pourrie », des communautés intégristes.

En 1977, les membres d'Anathème et retraite passèrent à l'action en assassinant un religieux modéré, ancien ministre du président Sadate, le cheikh Dahabi. Le chef de cette nouvelle secte. l'ingénieur agronome Choukri Mustapha, qui se qualifiait lui-même de « Calife de Dieu sur la terre », fut condamné à mort et pendu l'année suivante, mais ses fidèles n'ont pas désarmé et on les retrouvait souvent ces temps derniers au premier rang des échauffourées opposant modérés et intégristes.

Par ailleurs, la haine que les Frères musulmans ressentaient à l'égard du raïs n'avait pas seulement des raisons politico-religieuses. Le dépit, le sentiment d'avoir été trahis sont aussi un ferment de leur hostilité car le président Sadate n'a peut-être pas été membre de la confrérie comme certains biographes le croient, mais il en a du moins été très proche.

Après sa sortie de l'école militaire, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, et lorsqu'il militait clandestinement avec le futur colonel Nasser dans les rangs des « officiers libres », Anouar el-Sadate servit de lien entre ce groupe et Hassan el-Banna, le chef suprême des Frères musulmans. « J'ai admiré le cheikh Hassan », devait-il d'ailleurs reconnaître dans son autobiographie. Or, en 1954, il participa au tribunal du peuple chargé de juger les dirigeants de la sainte confrérie accusés d'avoir voulu assassiner le président Nasser. Par la suite, il aura beau tenter de bénéficier de leur neutralité, en particulier au début des années 70 en rendant la liberté aux Frères emprisonnés, ces derniers ne lui pardonneront jamais son « reniement ».

Prisonnier de ce nœud de vipères, exposé à tous les coups, il aurait fallu un miracle pour qu'Anouar el-Sadate réussisse à échapper aux coups. Allah ne l'a pas voulu.

Jacques BORG

le colonel Mouammar Kadhafi, dirigeant de la Lybie
Le président Kadhafi, ennemi personnel du président Sadate et bailleur de fonds du terrorisme international

(1) Les preuves, quant à la responsabilité de Mouammar Kadhafi dans la montée irrépressible du terrorisme international, ne manquent pas. Le président Sadate avait d'ailleurs récemment révélé que le terroriste Carlos, de sinistre mémoire, était luxueusement logé dans un hôtel de Tripoli d'où il tissait les fils de son réseau de meurtriers. Selon certains de nos confrères italiens, la responsabilité de la Libye dans l'attentat qui a failli coûter la vie à Jean-Paul II serait patente. Par ailleurs, de l'Irlande jusqu'aux Philippines, il n'y a guère de point chaud où l'influence de Kadhafi ne se fait pas sentir. Et, non content d'être le bailleur de fonds du terrorisme, il subventionne également certaines sectes, sans doute pour déstabiliser spirituellement l'Occident, comme il cherche à le déstabiliser politiquement. On demeure atterré à l'idée que, dans les dernières décennies du XXe siècle, un tel comportement irresponsable puisse être accepté par des hommes d'Etat pour des raisons idéologiques.