Mahomet

Source : http://gallica.bnf.fr/Catalogue/noticesInd/FRBNF37302243.htm

Titre : Histoire universelle / publiée par une société de professeurs et de savants sous la direction de M. V. Duruy

Auteur : Victor Duruy, (1811-1894)

Editeur : Paris : L. Hachette, [1854-1865]. in-18

 

CHAPITRE XXXVI

MAHOMET ET L'INVASION ARABE

L'Arabie, Mahomet et le Coran. - Après l'invasion germanique, venue du nord, s'était avancée du midi l'invasion arabe. L'Arabie, dont les peuples parurent alors pour la première fois sur la scène de l'histoire, est une vaste presqu'île de cent vingt-six mille lieues carrées, qui s'ouvre au nord, sur l'Asie, par de larges déserts, et se rattache, au nord-ouest, à l'Afrique par l'isthme de Suez ; des autres côtés elle est bornée par la mer Rouge, le détroit d'el-Mandeb, la mer des Indes, le détroit d'Ormus et le golfe Persique. Les anciens qui ne l'avaient connue que fort imparfaitement, . la divisaient en trois parties : Arabie pètrée ou presqu'île du Sinaï; Arabie déserte ou Nedjed comprenant les déserts qui s'étendent de la mer Bouge & l'Euphrate; Arabie heureuse ou Yémen. La religion y était un mélange de christianisme, apporté par les Abyssins et les Grecs ; de sabéisme, enseigné par les Perses; de judaïsme, qui s'était infiltré partout à la suite des juifs, et surtout d'idolâtrie. Le temple de la Caaba, dans la ville sainte de la Mecque, contenait trois cent soixante idoles, dont la garde était confiée à la famille illustre des Coréischites. Beaucoup d'indifférence religieuse au milieu de tant de cultes. Ceux qui réunissaient la foule étaient les poètes qui préparaient déjà la langue de l'Islam dans ces luttes de gloire, tournois poétiques où revenait souvent l'idée d'un Être suprême, Allah, croyance indigène en un pareil pays.

Mahomet naquit, en 570, du Coréischite Abdallah. Orphelin dès l'enfance et sans fortune, il se fit conducteur de chameaux, voyagea en Syrie où il se lia avec un moine de Bostra, et, par sa probité, son intelligence, décida une riche et noble veuve, Khadidjah, à l'épouser; dès lors il put se livrer à ses méditations. A l'âge de quarante ans, il avait arrêté ses idées, et il s'ouvrit de ses projets à Khadidjah, à son cousin Ali, à son affranchi Zeid, à son ami Abou-Bekre, pour rendre à la religion d'Abraham sa pureté primitive. Il leur dit qu'il recevait de Dieu, par l'ange Gabriel, les versets d'un livre qui serait le livre par excellence (Al Coran), et il désigna sa religion nouvelle sous le nom d'Islam, qui indique un entier abandon à la volonté de Dieu. Ils crurent en lui, et Abou-Bekre attira au culte nouveau Othman, puis le bouillant Omar. Le nombre de ses prosélytes augmentant chaque jour, les Coréischites dirigèrent contre lui des persécutions qui l'obligèrent a s'enfuir à Yatreb (622). Cette année est l'année de l'hégire (fuite), à laquelle commence l'ère des musulmans,

De Yatreb, devenue Médine (Medinat-al-Nabî, la ville du prophète) , il entreprit la guerre contre les Coréischites, et en battit mille, en 624, avec trois cents fidèles. Vaincu ensuite au mont Ohud, il prit un avantage décidé dans la guerre des Nations ou du Fossé, et, en 630, il rentra à la Mecque, où il détruisit toutes les idoles en disant : « La vérité est arrivée, que le mensonge disparaisse. » Devenu dès lors le chef religieux de l'Arabie, il écrivit des lettres menaçantes au roi de Perse Chosroès, à l'empereur d'Orient Héraclius, et il allait entreprendre contre eux la guerre sainte quand il mourut (632).

Le Coran est la réunion de toutes les révélations tombées, selon l'occasion, de la bouche du prophète, et recueillies, dans une première édition, par les ordres du khalife Abou-Bekre, et, dans une seconde, par ceux du khalife Othman. Composé de cent quatorze chapitres ou surates subdivisés en versets, il contient la loi religieuse et la loi civile des musulmans. Le fond du dogme est tout dans ces mots : « Dieu seul est grand, et Mahomet est son prophète. » Dans Allah, le dieu unique et jaloux, le Coran n'admet point la pluralité des personnes, et à côté de lui, il ne place aucune divinité inférieure. Il rejette toute idée d'un Dieu fait homme; mais il enseigne que Dieu s'est révélé par une série de prophètes dont Mahomet est le dernier et le plus complet; ceux qui l'ont précédé sont : Adam, Noé, Abraham, Moïse et le Christ avec lesquels Allah communiquait par des anges, ses messagers. Mahomet reconnaissait que le Christ avait eu le don des miracles et que lui-même ne l'avait point. Il prêchait l'immortalité de l'Ame, la résurrection des corps et la participation de cette portion de notre être aux joies ou aux souffrances d'une vie future. Un paradis délicieux pour les sens était promis aux bons, un enfer brûlant aux méchants. Cependant, dans ce paradis sensuel conçu pour gagner la foule vulgaire, il y avait aussi des joies spirituelles : Le plus favorisé de Dieu sera celui qui verra sa face soir et matin, félicité qui surpassera tous les plaisirs des sens, comme l'océan l'emporte sur une perle de rosée. »

II releva la condition des femmes arabes : « Un fils, disait-il, gagne le paradis aux pieds de sa mère. » Les filles n'héritaient pas : il leur assigna la moitié de la part de leur frère. Tout en maintenant l'autorité de l'époux, il lui ordonna d'être pour sa femme un protecteur plein d'égards. S'il laissa subsister la polygamie, pour ne pas heurter les murs de l'Orient, il ne permit que quatre femmes légitimes, et conseilla même, comme un acte louable, de se borner à une seule. Le Coran porte des peines sévères contre le vol, l'usure, la fraude, les faux témoignages, et prescrit l'aumône. Il règle avec sévérité les pratiques du culte : le jeûne du Rhamadan ; l'observation des quatre mois sacrés, coutume ancienne, qui suspendait, par une sorte de trêve de Dieu, les hostilités des fidèles entre eux; le grand pèlerinage annuel à la Mecque, où Mahomet avait installé le siège du nouveau culte; les cinq prières par jour ; les ablutions, soit avec l'eau, soit avec le sable du désert; la circoncision; la privation du vin, etc. Tous ceux qui ne croient pas en l'Islam sont des ennemis. Pourtant, à l'égard des chrétiens et des juifs, il suffit de ne point s'allier avec eux par le sang, et l'on ne doit les combattre que s'ils provoquent. Quant aux autres, c'est le devoir de tout bon musulman de les attaquer, de les poursuivre, de les tuer s'ils n'embrassent pas la religion du prophète.

Ces préceptes, ces espérances, ces menaces furent des ressorts puissants qui lancèrent les Arabes, le sabre à la main, dans toutes les directions.

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